Plus extrême que le Maïtre ?
C’est jusqu’au 23 février que se tient la première rétrospective française du peintre Ribeira (1591-1652), « héritier terrible » du Caravage, dont on ignore cependant s’il le rencontra (il arrive à Rome l’année où ce dernier s’enfuit à Naples). C’est à travers une centaine d’œuvres venues des endroits les plus divers – et souvent prestigieux – que sont restitués à la fois l’évolution chronologique de son travail et les thèmes qui ne cessent de le hanter.
En particulier, l’exposition met en valeur ses années romaines, jusqu’à présent peu connues, ainsi que son talent de graveur et son goût pour l’étrange, voire parfois le provocant.
La première chose qui frappe est cependant son humanité. Chacun de ses personnages est habité. Fréquemment par une forme d’humilité – en témoigne sa galerie des philosophes mendiants – pour marquer la différence entre le rang social et l’essentiel de l’être. Son souci du détail, dans la texture des vêtements, la teinte de l’épiderme ou la séparation de chaque poil, y participe.
On est évidemment sous le charme des contrastes lumineux, rehaussés qu’ils sont par des compositions régulièrement modernes. L’on peut penser à l’ « Allégorie de l’odorat », avec une diagonale séparant deux aplats et des zones de clarté et d’ombre inversées par rapport à celles du fond, d’où un dialogue des luminosités. « Saint Barthélémy », reprend presque exactement le même procédé. « Saint Thomas » est un exemple d’équilibre dans la composition (plus manifeste et sobre que « Le Jugement de Salomon » avec son rectangle inscrit dans celui du tableau et le sujet à la fois aux deux tiers et désigné par une spirale), avec le même effet d’aplats sur le fond donnant lieu à une composition en V horizontal. Enfin, si « Saint André en prière » bénéficie de plus de couleurs – propres à distraire le regard en même temps qu’elles enrichissent la signification de l’œuvre – la sobriété de la composition n’en reste pas moins extrême. Tous ces tableaux réjouissent l’œil de ceux qui veulent aller à l’essentiel tout en conservant la sensibilité des personnages. Et le studio photo moderne avec fond noir n’est pas loin…
Pierre FRANÇOIS
« Ribeira, ténèbres et lumière », jusqu’au 23 février au Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Avenue Winston-Churchill, 75008, Paris. Tel : 01 53 43 40 00. Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h, nocturnes les vendredis et samedis jusqu’à 20 h. Métro Champs-Élysées Clemenceau, Franklin D. Roosevelt. RER C : Invalides. Bus 28, 42, 72, 73, 80, 83, 93. Plein tarif : 15 euros ; tarif réduit : 13 euros ; gratuit en dessous de 18 ans. Réservation d’un créneau de visite conseillé sur petitpalais.paris.fr (dernières entrées à 16 h 30 ou 18 h 30). https://www.petitpalais.paris.fr/expositions/ribera
Photo : Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris.