Bilan et peurs.
Il est difficile d’évaluer dans le détail une pièce que l’on n’a vue qu’en répétition, et partiellement. Pourtant, ce qui a été montré du spectacle « Le Sas », déjà joué donc au point, révèle un jeu sobre et fluide ainsi qu’un personnage parfaitement incarné, qui s’exprime sans filtre. Ainsi lorsqu’elle parle de la fouille et de la confiscation d’une médaille : « Montrer son cul, c’est rien, on a le cœur à poil, c’est pire ».
La comédienne Juliette Bridier nous en dit plus. L’histoire est celle de la dernière nuit d’une détenue avant sa sortie. En même temps qu’elle vit – sans oser croire à la réalité de sa libération – le temps présent, lui reviennent dans le désordre les moments marquants de son séjour forcé : parloirs avec les enfants, relations avec les matonnes et les copines, préparation et peur de la libération. De ce qu’elle a fait pour être là, on ne sait quasiment rien : il ne s’agit pas de refaire son procès, mais de raconter comment elle vit sa condition dans un langage simple et sans pathos.
La pièce s’est déjà jouée à la fois dans un cadre associatif – lorsqu’elle a été achetée par des associations de visiteurs de prison – et dans des théâtres : Le Bateau ivre à Tours, Beaux-Arts Tabard à Montpellier, la Maison cantonale à Bordeaux, le Théâtre de Nesle à Paris. Il est clair que dans le premier cas, la salle est pleine et motivée, même si le propos – qui date des années 80 – nécessiterait quelques ajustements (par exemple, les gardiennes sont moins sévères qu’à l’époque de l’écriture du texte). Dans les deux cas, les spectateurs sont impressionnés par le nombre de personnages qu’elle est capable de faire vivre et tout le monde est touché de la même manière, certains étant simplement plus conscients que d’autres de la réalité. Sous ce rapport de la sensibilisation, Juliette Bridier explique que son propos est de montrer que « les détenues, même si elles ont commis des crimes, restent des êtres humains avec de la sensibilité, des questions, de la douleur, des nuances. » Elle veut aussi poser la question de la sortie de prison alors qu’en principe l’enfermement est aussi voué à une réinsertion future : « on voit qu’il y a un grand vide après ».
C’est au Théâtre Auguste – Marie Hasse pour trois jours, jusqu’au 16 mars. D’autres pistes existent ensuite pour des représentations en régions, mais rien n’est encore signé.
Pierre FRANÇOIS
« Le Sas », de Michel Azama. Avec Juliette Bridier. Mise en scène : Guy Calice. Les 14, 15 et 16 mars à 20 heures à l’Auguste Théâtre, 6, impasse Lamier, 75011 Paris, métro Philippe Auguste. Tél. : 01 43 67 20 47, www.augustetheatre.com
Photo : Pierre François, d’autres sur https://www.instagram.com/pierrefrancoisphoto/.