Festival : « Festival Imago, art et handicap », du 10 septembre au 20 décembre en Île-de-France.

« Gargantua », un titre pareil c’est déjà tout un programme. Tout comme « Imago », ce festival biennal qui se tiendra du 19 septembre au 20 décembre et dont aucun spectacle ne s’est décommandé. Sans doute parce qu’ils sont montés par des personnes handicapées et que toutes les statistiques montrent que l’absentéisme de ces dernières est bien moindre que celui des autres, allez savoir…
« Gargantua », donc, c’est l’adaptation de l’œuvre de Rabelais par la troupe Eurydice. On a pu en voir un filage technique et ce qui marquait le plus lors de cette répétition estivale – sans divulgâcher* l’adaptation de cette œuvre du patrimoine – a été la façon dont chacun reste lui-même tout en étant pleinement à l’écoute de l’autre. Les co-metteurs en scène, l’un pour le corps, l’autre pour les déplacements, parlent à tous en fonction de leurs capacités sans cesser néanmoins d’être exigeants. Les comédiens sont attentifs et dans le constat, jamais dans la défense, comme s’ils avaient laissé tout ego au vestiaire. On aimerait savoir qu’il en est de même dans toutes les autres troupes… Et ce qui frappe d’emblée dans l’adaptation de cette œuvre – « rabelaisienne » s’il en est – est l’absence totale de gêne des comédiens qui aboutit à un jeu d’un naturel déconcertant. Jamais la phrase d’Yvan Audiard « Heureux les fêlés car ils laissent passer la lumière » n’a été aussi vraie.
Comment une personne handicapée – ici psychique – appréhende-t-elle son corps, telle est la question posée à l’un des deux metteurs en scène. L’exemple donné en réponse est simple. Deux des comédiennes – et on n’avait rien détecté en plus d’une heure de filage – sont presque aveugles. L’une d’elle hésite dans ses déplacements alors qu’elle les connaît par cœur et est capable de les jouer impeccablement une fois rassurée. C’est que son esprit s’est fait une fausse représentation de son corps, en dessous de ses capacités réelles. Ce qui nous arrive à tous de temps en temps est leur lot régulier et, en comparaison de la façon dont nous vivons ces moments, on en déduit l’énergie que ces personnes handicapées doivent dépenser de façon continuelle pour s’adapter à la double réalité de leurs vraies limitations et (de la représentation qu’elles se font) du monde extérieur.
Mais si ce spectacle est celui monté par Eurydice, une des troupes fondatrices du festival, ce dernier en compte de nombreuses autres : cent-vingt événements, en comptant les expositions, spectacles, bals, conférences, journées d’études, rencontres (professionnelles ou non), visites « décalées », et colloques dans cinquante-huit lieux du Val d’Oise et des Yvelines – qui sont le berceau des festivals Eurydice et Viva la vida qui se sont réunis pour créer Imago – mais aussi dans les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne, la Seine-et-Marne et même Paris. Enfin, ce festival est un particulier bon plan pour tout le public handicapé qui trouve à cette occasion un accueil spécifique lui permettant de vivre les événements culturels comme n’importe qui d’autre.
Pierre FRANÇOIS
« Festival Imago, art et handicap », festival biennal du 10 septembre au 20 décembre dans 58 lieux de l’Île-de-France. Renseignements et agenda : http://festivalimago.com/. Réservations auprès des lieux partenaires (téléphones et liens dans le site).
*Divulgâcher : gâcher l’effet de surprise chez le lecteur ou le spectateur en dévoilant tout ou partie de l’intrigue d’une œuvre de fiction.
Source : Revue trimestrielle « Défense de la langue française » n° 276, rubrique « Acceptions et mots nouveaux ». On peut également trouver des pdf de la revue sur le site http://www.langue-francaise.org/, mais cela reste moins pratique.

Photo : Cyrille Bochew.

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