Spiritualité : Vertu et piété, dissimulation et révélation (41).

Chacun utilise le confinement comme il peut. L’auteur de ces lignes, qui avait raté un cours sur le Livre d’Esther, le rattrape en en faisant un compte rendu, très personnel d’abord, puis (largement) inspiré par le site protestant « Théovie » et la revue catholique « Cahiers évangile » (ainsi que son « supplément »)*. Cet article n’étant qu’un (bref) résumé, il est conseillé à ceux qui s’intéressent au sujet de se reporter à ces sources.

La littérature s’empare de l’histoire d’Esther au XVIIe siècle en la présentant sous le jour d’une intrigue sentimentale et il faut attendre Racine pour coller de plus près au texte et mettre en valeur sa dimension religieuse. Mais les temps changent et les Lumières, qui cherchent la rationalité, ne trouvent pas leur compte avec ce récit aux accents étranges, illogiques, ridicules, burlesques. Il faut attendre l’époque romantique pour la voir réapparaître non pas directement mais plutôt évoquée à travers le prénom d’une héroïne : celle qui chez Balzac, dans Splendeurs et misères des courtisanes, se donne au baron de Nucingen à la demande de Carlos Herrera ou celle, chez Nathaniel Hawthorne, dans La Lettre écarlate, qui consciente des dangers qui l’entourent et du devoir qui est le sien, porte avec noblesse un secret. C’est Joséphine Péladan qui, se plaçant sur un autre registre en 1893, relève dans Comment on devient fée qu’« au cours de l’Ancien Testament, tout devient légitime et sanctifiant qui sauve Israël ; le crime devient vertu et la perfidie admirable. ». Vient ensuite l’époque où on va contempler sa « macération », le temps qu’on a mis pour la préparer et le résultat qui en sort. Si Huysmans et Jean Lorrain se contentent de décrire un état, Rainer Maria Rilke s’intéresse à la transformation tant physique que mentale qui aboutit à une « angoisse mystique » et à l’« émotion suscitée par la convergence des désirs religieux et amoureux ». Si Sarah Bernhardt monte l’Esther de Racine en 1910, Proust reprend le procédé consistant à l’évoquer indirectement à travers une tapisserie ou un dialogue qui cite Racine dans un contexte complètement différent. Claudel ayant toujours été à part, on n’est pas surpris de constater que sa relecture d’Esther est personnelle : le sceptre qu’Assuérus tend est le symbole de la croix et Esther représente la Vierge. Peu à peu, la montée du nazisme aidant, Esther redevient « symbole de la judéité persécutée et non plus héroïne de la foi chrétienne ». C’est le sens que donne Édith Stein à la saynète qu’elle fait jouer dans son carmel pendant que Jacques Baillon monte une Esther de Racine avec sur scène des Juives devant partir pour les camps. En 1948, nouveau tournant : Salvator Espriu en fait une pièce au caractère burlesque. Burlesque, le poème d’Itzik Manger (en 1966) l’est aussi avant que, refermant le cycle, Michèle Kahn ne revienne à la dimension sentimentale de l’histoire.

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