Comique romanesque, par Clara.
Encore une histoire d'amour platonique et impossible : différence d'âge, de milieu social…
Mais, heureusement, la rencontre entre le vieil écrivain en mal d'inspiration et la jeune cadre dynamique n'est qu'un prétexte !
Sitôt jeté en pâture aux lecteurs, l’œuvre écrite n'appartient plus à son auteur (encore plus flagrant avec les réseaux sociaux, où tout va trop vite!)
L'auteur n'aura pourtant de cesse d'écrire à nouveau et de modifier son œuvre, il revendique le droit à l'erreur, au mauvais goût.
La première scène pose donc la problématique de la création artistique, sur le ton de l'humour et à la vitesse d’un TGV, ce qui déroute quelque peu.
Le personnage de l'écrivain explique qu'il a du mal avec les débuts, leitmotiv que l'on retrouvera à plusieurs reprises tout au long de l'histoire. Il a pourtant reçu la récompense suprême par le passé (un prix Goncourt !)
Pourquoi toujours vouloir écrire puisqu'il vit de manière aisée grâce à des placements financiers? Pour qui écrire, comment, d'où viennent l'inspiration et le génie créatif ? Autant de questions qui forgent la personnalité de l'écrivain. Il invente et extrapole la vie d'une jeune femme dont il n'a même pas croisé le regard, mais qu'il observe de loin, posée là telle une statue de chair et de sang, à la terrasse d'un café de gare. Elle est déjà partie, il avoue qu'il rêve d'elle, de sa vie, de ses envies, de ses phantasme…
Le texte, éminemment moderne, fait la part belle au roman, au théâtre et également à la critique dramatique (qui est également une forme de création). Le texte rebondit dans tout les sens, inattendu, par tous les canaux disponibles. Il se transforme, s'enrichit et se magnifie pour devenir un être vivant à part entière : c'est lui le véritable héros !
Alors que son auteur ne cesse de faire et défaire le cours de l'histoire, telle Pénélope, il essaye de toucher au sublime.
Ses personnages sortis tout droit de son labyrinthique cerveau, sortent de leur réserve et se libèrent du vernis de la bienséance.
Ce texte, totalement hors-norme et parfois déroutant, est plein d’un charme qui nous transporte dans un agréable ailleurs rempli de référence à l'actualité et au petit monde littéraire parisien.
Les deux acteurs sont étonnants de justesse et criants de vérité.
Cette pièce est à la fois un ovni et un petit bijou ciselé, qu'il ne faut absolument pas manquer!
Clara
« Tendresse à quai », d’ Henri Courseaux. Avec Henri Courseaux et Marie Frémont. Mise en scène : Stéphane Cottin. Du mercredi au samedi à 21 heures, dimanche à 14 h 30 jusqu’au 18 novembre au Studio Hébertot, 78 bis, boulevard des Batignolles, 75017 Paris, métro Villiers, Rome, tél. 01 42 93 13 04, www.studiohebertot.com
Photo : Pierre Francois