Théâtre : « Zoom » au Théâtre douze à Paris.

Ne voir que l'horizon, par David Wesphal.
C'est le théâtre tel qu'on l'aime, à la fois drôle, tendre et violent. C'est l'histoire de notre société et de quelques-uns de ses paradoxes. C'est l'histoire d'une fille-mère candide et volontaire. C'est un cri, une révolte, un mot d'excuse aussi.
Zoom, c'est tout ça à la fois. Une jeune femme prend la parole dans une réunion de parents – professeurs et ne la lâche plus. Partie pour « s'excuser » auprès d'un établissement scolaire des débordements de son fils, elle nous raconte le fil de sa vie : sa grossesse involontaire, ses efforts pour l'assumer, ses petites et grandes luttes quotidiennes et l'ambition démesurée qu'elle nourrit pour son fils afin de l'extraire de la « boîte » dans laquelle on veut l'enfermer. Toute comédie sociale a pour objectif à peine déguisé de nous interroger, de mettre en perspective quelques absurdités et violences de notre monde. Dans cette optique, le texte écorne les pratiques de nos institutions -pourtant bien intentionnées- qui, avec force règles, cases, et hiérarchisations de la misère vous collent des étiquettes dont il est bien difficile de se départir. Cataloguée par l'administration qui a pour mission de lui venir en aide, notre héroïne se bat et à défaut de discernement, donne tout ce qu'elle a de rêve, d'énergie et d'amour. Tel un funambule en équilibre sur le fil de sa vie, elle ne veut voir que l'horizon.
L'auteur Gilles Granouillet navigue avec une semblable aisance des rives de l'humour à celles de la peinture de notre société. Sa plume saisit les charmes et aspérités d'un personnage à l'éloquence incertaine, glissant ça et là quelques aphorismes dignes de Michel Audiard : « le destin c'est du ciment prompt, ça colle tout de suite ! ». En accord avec cette langue cabossée, Annette Benedetti sert son personnage avec une farouche détermination. En mère courage, sensible et très généreuse, on rit lorsque face au proviseur elle organise l'improbable rencontre de sa misère avec Stanislavski et tente de justifier les « présences costumées » de son fils par les méthodes de l'Actors Studio.
Allez voir Zoom. Ce travail mérite d'être salué et soutenu. Faites le pari d'un gros plan sur une des composantes sociales de notre siècle.
David Westphal.
« Zoom » de Gilles Granouillet Avec Annette Benedetti. Mise en scène, Jean-Marc Galéra. Théâtre Douze, 6, avenue Maurice Ravel, 75012 Paris. Locations : 01 44 75 60 31 – theatredouze@laligue.org

Photo : Pierre François

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *