Revisité et réussi.
« La Dame de chez Maxim » en une heure de demie, voilà le défi que s’est lancé la compagnie Les Sans chapiteau fixe dont la fondatrice, Johanna Boyé, avait reçu le prix du Théâtre 13 en 2013*.
Or cette pièce est une des plus longues qu’ait écrit Feydeau. Il a donc fallu faire des coupes. Qui ont été si habiles qu’elles sont invisibles pour qui ne connaît pas l’original.
Lors de l’entrée du public, ce dernier peut se demander où il est tombé : des êtres étranges tout de cuir et résille plus ou moins vêtus et dont on ne sait à quel sexe ils appartiennent lui souhaitent la bienvenue à coup d’œillades appuyées. Mais il s’agit simplement de donner l’échelle : voilà ce que signifiait aller chez Maxim à l’époque. C’était un lieu de perdition où on n’aurait jamais emmené sa femme. Une fois cette mise au point faite, la pièce commence le plus normalement du monde, avec des personnages relativement intemporels, même s’ils sont résolument modernes dans leurs attitudes et accoutrements.
Grâce à cet artifice de départ, on comprend mieux l’horreur de la situation lorsque l’épouse annonce à son mari qu’elle l’a embrassé au matin sur le bout de front qui dépassait de ses draps alors qu’en fait il était tellement « rond comme une queue de pelle » qu’il a dormi par terre…
Ce n’est là que le premier quiproquo d’une série de quasi-catastrophes et on en perd l’haleine pour les comédiens ! Le rythme, infernal, est tenu – et soutenu par une musique complètement en phase avec les émotions exprimées – d’un bout à l’autre de la pièce. Le duo comique entre la légitime, bigote crédule, et la chanteuse danseuse qui ne réussit qu’à demi à jouer la mondaine est parfait. En effet, aucune caricature dans leur jeu, mais une justesse du personnage qui ne cède en rien au comique que chacun dégage. Les autres protagonistes sont chacun dans leur genre tout aussi bons : on croit complètement au général ou au collègue qui finit par ne plus soutenir son ami que du bout des lèvres, voire plus du tout, pour ne citer que ceux-là.
La troupe a réussi le pari de dépoussiérer Feydeau (qui, comme Labiche, peut devenir très daté lorsque ses œuvres sont jouées dans leur jus). Notamment en insérant une véritable dimension chorégraphiée à ce qui est au départ une pièce de théâtre avec des passages chantés. On rit de bon cœur tout au long de la pièce. Alors que les comédiens ne font que nous tendre un miroir : en effet, le souci de la metteur en scène a été, en réduisant la pièce à sept personnages, de nous montrer nos archétypes contemporains… Castigat ridendo mores** disait déjà Molière.
Pierre FRANÇOIS
« La Dame de chez Maxim », de Georges Feydeau. Mise en scène : Johanna Boyé. Avec Mehdi Bourayou, Vanessa Cailhol, Florian Choquart, Arnaud Dupont, Lauri Lupi, Garland Le Martelot, Pamela Ravassard, Vincent Viotti.
Du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 16 heures jusqu’au 15 octobre au Théâtre 13 / Jardin, 103 A, bd Auguste Blanqui, 75013 Paris, métro Glacière, tél. 01 45 88 62 22.
*Prix récompensant un jeune metteur en scène pour le faire repérer plus vite par les instances professionnelles.
** La comédie châtie les mœurs en riant.