Savantes ou pédantes ?
« Les Femmes savantes » est une pièce de Molière qui n’est pas très en cour en des temps où, à juste titre, la société tente de rendre aux femmes les mérites qui sont les leurs. Celles de la pièce, qui se veulent savantes(1), sont en effet plus naïves et vaniteuses que réellement doctes. Quant au mari, sorte de matamore qui cède en tout à son épouse, on ne retient souvent de lui que sa volonté de cantonner la gent féminine à la cuisine et aux travaux d’aiguille. Du coup, son discours sur la discrétion(2) est plus marqué par ce qui précède que par un esprit d’ouverture. On comprend dès lors qu’il soit compliqué de monter cette pièce dans le contexte social actuel.
La compagnie des croqueurs(3) s’y est risqué et a gagné son pari. Si la pièce est jouée en costume d’époque, c’est pour mieux l’adapter à la gestuelle de notre époque. La qualité de jeu est homogène : aucun des comédiens ne porte plus le spectacle qu’un autre. La musique est remarquablement adaptée au texte : créée par un des membres de la troupe – la pièce ayant été montée après la séparation entre Molière et Lully – elle colle complètement à la musique des répliques. Les variations de rythme ne sont jamais des baisses de régime, mais bien une adaptation à la vivacité de la scène qui est jouée à ce moment-là. Que dire d’autre, sinon signaler que la pièce se joue dans le off d’Avignon au Collège de la Salle à 16 h 45 ?
Pierre FRANÇOIS
« Les Femmes savantes », de Molière. Avec Geoffroy Guerrier, Aurélie Noblesse, Marie Giros, Agathe Boudrieres, Nicolas Torrens, Julie Mori, Jean-Romain Krynen, Charly Labourier, Lionel Losada, Sandrine Moaligou. Mise en scène : Loïc Fieffé. Musique : Lionel Losada.
(1) « — J'ai cru jusques ici que c'était l'ignorance / Qui faisait les grands sots, et non pas la science. — Vous avez cru fort mal, et je vous suis garant, / Qu'un sot savant est sot plus qu'un sot ignorant. » : dialogue entre Clitandre, amoureux d’Henriette, et Trissotin, poète pédant.
(2) « Je consens qu'une femme ait des clartés de tout, / Mais je ne lui veux point la passion choquante / De se rendre savante afin d'être savante ; / Et j'aime que souvent aux questions qu'on fait, / Elle sache ignorer les choses qu'elle sait ; / De son étude enfin je veux qu'elle se cache, / Et qu'elle ait du savoir sans vouloir qu'on le sache, / Sans citer les auteurs, sans dire de grands mots, / Et clouer de l'esprit à ses moindres propos. »
(3) www.lescroqueurs.fr
Photo : Pierre Francois