Théâtre : Œdipe roi, de Sophocle

« Œdipe roi » est sans doute une des pièces les plus connues, notamment grâce à Freud et à son « complexe d’ Œdipe ». Mais la limiter à cela revient à réduire injustement l’œuvre de Sophocle. Elle touche aux notions de justice, sincérité, destin, sacré, respect de la parole donnée, sens de la vie… On est même frappé par le parallèle possible entre Œdipe et Judas : alors qu’un messager vient lui demander de monter sur le trône de son père adoptif, ce qui lui permettrait de quitter Thèbes pour le bien de la ville et le sien, il préfère – comme l’apôtre – se faire (in)justice à lui même au lieu de saisir la rémission qui lui est offerte.

La mise en scène d’Antoine Caubet met en valeur tous ces aspects et rend parfaitement compte des émotions qui traversent les différents acteurs du drame. On note même une progression dans les moyens mis au service de notre compréhension d’une œuvre vieille de vingt-quatre siècles : une introduction explique ce qui reste de la pièce, ce qu’on sait du rôle du coryphée, le contexte légendaire. Puis le verbe est mis en valeur, y compris dans sa langue originelle. Enfin le jeu intervient, le rythme s’accélère, le mystère s’épaissit aux yeux d’ Œdipe tandis qu’il s’éclaircit pour nous, les questions s’accumulent ainsi que les réponses lapidaires de l’homme face au malheur, qu’un Job ou un Qohelet n’auraient pas reniés : « votre bonheur est une image, une apparence qui s’en va », « la vie est une illusion », « arrête de toujours tout vouloir »…

Peu importe que la pièce, loin de se jouer en cothurne, soit actualisée. Si on oublie le surjeu de deux personnages très mineurs qui ne totalisent à eux deux que trois minutes de parole et l’absence de signification évidente des éclairs d’un poste à soudure, on est là face à une très bonne pièce, homogène, aux personnages crédibles jusque dans leurs excès et dont la progression dramatique est parfaitement maîtrisée. Mais au juste, Œdipe, n’est ce pas aussi chacun de nous face à nos secrets de famille ?

Pierre François

« Œdipe roi », de Sophocle. Avec Pierre Baux, Cécile Cholet et Delphine Zucker, Éric Feldman, Antoine Caubet, Clotilde Ramondou, Jean Opfermann. Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 16 heures jusqu’au 15 décembre au Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie, route du champ de manœuvre, 75012 Paris, tél. : 01 43 74 72 74.

Photo : Hervé Bellamy.

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