Le monde change.
Dans cette salle de restaurant grouillante à l’heure de midi, on remarque un T-shirt rouge floqué de l’inscription, en blanc, « Fraternité ». Par les temps, et surtout les discours, qui courent, la chose n’est pas commune.
À quelques minutes de là, la femme qui le porte se lève et invite les participants au séminaire organisé par Altermundi à applaudir l’équipe des Petits plats de Maurice, qui les a servis. Lesquels s’exécutent avec empressement et chaleur.
Nous sommes à Paris, à un jet de pierre du jardin faisant face à l’église Saint-Ambroise. Si on le traverse, on trouve trois cents mètres plus loin « Les petits vélos de Maurice ».
Commençons par cette dernière boutique. Située au 81, boulevard Richard-Lenoir, elle indique juste « réparation, vente, neuf, occasion ». Le logo est explicite et il est inutile de préciser qu’il s’agit de vélos, ces derniers franchissant régulièrement la porte dans les deux sens. Jusque-là, rien ne distingue ce magasin d’un autre, si ce n’est, peut-être, une attention soutenue portée au travail bien fait. Une ambiance de bienveillance, aussi.
Le site – manifestement encore en chantier – est peu loquace au sujet du personnel. En cherchant bien, on trouve, sobrement indiqué : « Nous formons des personnes en situation de handicap au métier de réparateurs vélos ». Une formation de qualité : qu’il s’agisse de l’entretien régulier ou de préparer un raid à Compostelle, on est sûr d’avoir des manivelles de pédalier bien serrées, des freins efficaces et des pneus de la meilleure qualité. Le prix est différent de celui des grandes enseignes mais, au moins, on est sûr d’arriver à bon port sans encombre. Le soin du détail va jusqu’au prêt de selles jusqu’à ce que l’on trouve celles qui convient avant de passer à l’achat.
« Les petits plats de Maurice », c’est presque la même idée appliquée à la restauration. Mais la barrière du guichet a disparu. Certes, la cuisine n’est pas accessible aux consommateurs – même si elle est ouverte – mais tout le monde se croise en salle : les serveurs et serveuses, les travailleurs de l’association, les personnes de passage ou les salariés d’entreprises locales. Autre différence portée par ces personnes différentes : les produits sont tous frais, locaux, de saison et préparés sur place (de moins en moins de bistrots ont leur cuisine). De plus, le bio est souvent au rendez-vous, notamment pour les boissons, des jus aux alcools en passant par le Meuh Cola.
Et Altermundi, là-dedans ? Aucun rapport ? Si. D’abord, ce sont des voisins. Ensuite, la volonté d’avoir un impact social (à côté de l’environnemental) réel. Même s’il est vécu différemment. Petits vélos et petits plats sont des associations, Altermundi est une société commerciale. Mais sans actionnaire à rémunérer. Elle ne fabrique rien, elle vend. Sauf que pour être dans leur catalogue, il faut avoir la volonté, comme eux, de changer le monde vers plus d’inclusion – tiens, on la retrouve – vécue ici sous sa forme équitable : rémunérer de façon juste des acteurs qui participent à servir un monde aux ressources qu’ils savent limitées et que, par conséquent, ils exploitent de la façon la plus responsable ou recyclée possible. Pour le dire de manière plus concrète, les critères de sélection proposés à la personne qui cherche un article sur leur site sont : mode éthique, fabrication solidaire, zéro déchet, fabriqué en Europe, commerce équitable, upcycling, artisanat, matériaux renouvelables, recyclage, fabriqué en France, bio, vegan, coton biologique.
Tout cela dans un si petit périmètre que l’on se prend à croire qu’un jour la tache d’huile finira par gagner toute la ville.
Pierre FRANÇOIS