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Théâtre : Le Médecin malgré lui, Los Angeles 1990

jeudi 6 juin 2013, par Pierre François


« Le Médecin malgré lui, Los Angeles 1990 ») [1] qui se donne jusqu’au 24 août au Lucernaire est bien le texte de Molière. La pièce commence par la réunion d’une bande de clochards au milieu de sacs en plastique devant un brasero. Sganarelle est l’un d’eux, ivrogne – c’est dans le texte – et n’hésitant pas à sniffer – un choix de jeu qui reste logique avec le déroulement de l’action. Les propos tenus par sa femme pourraient être ceux d’une Messaline de bas étage – sans avoir besoin pour autant d’être une « grosse tripière » [2], comme disaient les contemporains de Poquelin – et c’est donc ainsi qu’on la voit sur scène.

Ce n’est pas tout. La pièce est bourrée d’allusions contemporaines. Sganarelle arrive habillé comme un joueur des Lakers (ce qui correspond, pour une des couleurs au moins mentionnées, au texte de Molière) sur la musique d’« Urgences » ; enchaîné et sur le point d’être pendu, il est vêtu de l’uniforme des prisonniers de Guantanamo ; lorsqu’il l’enlève on pense à « Scarface ». Jacqueline, nourrice chez Géronte, pourrait jouer dans un Almodovar. Son mari Lucas, à l’accent espagnol aussi prononcé qu’elle, évoque un des inspecteurs de la série « Dexter ». Géronte fait penser, lorsqu’il met un chapeau de cow-boy, à « Dallas » tandis qu’un portrait de John Wayne occupe le mur du fond.

Pourquoi ces références à la société états-unienne uniquement ? C’est, expliquent les deux metteurs en scène, que cette dernière fait désormais partie de l’imaginaire collectif et se prête particulièrement bien au style de la farce, qui est celui de cette pièce. Car ici, nul débat de société comme dans « Tartuffe » ou « Les Précieuses ridicules » ! On reste proche de la farce moyenâgeuse avec ses situations grotesques, ses allusions grivoises et ses quiproquos.

Une des deux libertés prises avec le texte de Molière – l’autre consistant en des traductions d’une réplique de Sganarelle en anglais ou d’une tirade de Jacqueline en espagnol – a justement trait à une de ces situations : au lieu de « coups de bâton », Sganarelle est agressé à l’aide d’un poing électrique.

Ce qui est admirable dans cette pièce, c’est qu’à travers une fidélité littérale au texte, on aboutisse à une représentation complètement crédible. La chose n’est pas automatique : combien de spectacles qui ne sont que les fantasmes d’un metteur en scène se réappropriant sans vergogne ni respect de l’intention de l’auteur un texte auquel il n’a voulu comprendre que ce qui l’arrange ! Ici, on est aux antipodes de ce genre de trahison. Et, au surplus, c’est très bien joué : on croit à chacun des personnages dès la première minute. On comprend dès lors que « Le Médecin malgré lui, Los Angeles 1990 » ait rencontré le succès non seulement au festival off d’Avignon de 2010 à 3012 mais aussi au cours de ses tournées, jusqu’à Casablanca.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Le Médecin malgré lui, Los Angeles 1990 », texte intégral de Molière. Avec Augustin de Monts ou Florent Chesne, Sophie Staub ou Amandine Gaymard, Aurélien Rondeau ou Hugo Horsin, Michael Cohen, Sébastien Faglain, Lydia Besson, Jérôme Rodriguez. Mise en scène Aurélien Rondeau et Quentin Paulhiac. Du mardi au samedi à 18 h 30 au Lucernaire, 53, rue Notre-Dame-des-Champs, Paris 6e, tél. : 01 45 44 57 34.

[2] « Tripière, grosse tripière », in « Espèce de savon à culotte et autres injures d’antan » de Catherine Guennec, collection Points : « grosse dondon salement nibardée, femme généreuse « à volumineux appas ». Expression attestée dans un courrier du Marquis de Saint-Maurice en 1672 (Le comte de Lauzun aurait été emprisonné pour en avoir qualifié la Montespan, ce qui selon l’auteur de la lettre est d’ailleurs exagéré).


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