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Théâtre : Antigone (Sophocle)

mardi 31 janvier 2012, par Pierre François


L’« Antigone » de Sophocle [1] qui se donne au Vingtième théâtre du 28 mars au 6 mai est un spectacle qui veut servir Sophocle en le serrant au plus près. Mais sans archéologie théâtrale pour autant : les comédiens, qui n’ont ni masque ni cothurne, s’expriment dans un style évoquant le romantisme tandis que les chœurs chantent sur des mélodies contemporaines (ce qui est inévitable puisqu’aucune musique de l’époque ne nous est parvenue).

Au lever de rideau, ce qui frappe d’emblée est cette atmosphère irréelle, au-delà de toute humanité, faite d’un tronc d’arbre décharné et de plans inclinés aussi mystérieux qu’inquiétants. C’est Antigone qui vient aussitôt donner chair à ce désert, par la lamentation qu’elle veut faire partager à sa sœur.

Dire que décor et éclairages sont très bons est en dessous de la réalité : sobre et précis, ils construisent autant que la mise en scène et le jeu l’ambiance de la pièce. Cette dernière (et le talent de son interprète !) fait bien sentir que si le titre n’évoque que la figure féminine, il est bien question de la tragédie de Créon autant que de celle d’Antigone. On découvre d’ailleurs au fil des répliques que Sophocle ne prend parti pour personne, mais condamne l’outrance des deux. Créon a dépassé la mesure en édictant une loi qui voulait se substituer à la divine et Antigone – étymologiquement : à la place d’une fille – en refusant sa mission de femme et de mère (image de la femme qui n’est pas propre à l’Antiquité grecque : cf. les relations entre Sarah et Hagar, l’histoire de Tamar ou les recherches en matière de fivette).

L’un comme l’autre expriment le nœud de la tragédie dans cette scène où Créon, plus grand et plus haut placé qu’Antigone chancelle sous les propos assurés de cette dernière : la parole pleine de conviction est plus forte que la loi, fût elle assortie de sanction.

Il ne s’agit pas de tirer la couverture à soi, mais dans la mesure où Sophocle lui-même donne une réelle importance à la question religieuse, il n’est pas incongru – toutes choses étant égales par ailleurs – de penser à Pilate en voyant Créon. Deux points seulement peuvent dérouter, qui ont tous deux trait au respect du théâtre antique.

D’une part, on est surpris, en lever de rideau, de s’apercevoir que la sœur d’Antigone est jouée par un homme. Plus tard, quand c’est au tour de l’interprète d’Antigone, déjà morte, de jouer les personnages du devin ou de la femme de Créon, la chose ne gêne plus : on a eu le temps de s’apercevoir qu’il ne s’agissait pas d’un parti pris destiné à déstabiliser le spectateur mais simplement du respect d’une règle de l’époque, à savoir que tous les personnages étaient interprétés par des hommes (ce qui perdura jusqu’à notre Moyen-Âge).

D’autre part, le texte des chants n’était pas toujours compréhensible. Mais, hormis le fait que certains passages soeient en grec, l’option a été de faire remplir par le choeur (féminin, seule entorse à la règle antique) le rôle de ceux qui savent – en cultivant l’ambiguité – rester quelles que soient les vissicitudes atteignant les sphères du pouvoir. Par contre, la place de la musique (toujours le respect de la façon antique de jouer) est parfaitement mesurée : mise en valeur lors de chœurs, discrète et se limitant à un rythme entretenant une atmosphère le reste du temps.

De ce point de vue, le metteur en scène gagne son pari lorsqu’il dit dans sa note d’intention qu’il veut, grâce à la place restituée à la musique, faire de cette œuvre un « lamento universel » ou quand il cherche à susciter « une autre forme d’écoute, plus poétique, méditative et contemplative ».

Enfin, alors que le rythme de la pièce est lent – mais régulier et sans faiblesse – on ne voit pas le temps passer, ce qui est un critère...

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Antigone », de Sophocle, trad. J. et M. Bollack. Avec : Alain Macé, Maëlle Dequiedt, Sylvain Fontimpe, Laëtitia Lambert, Anne-Laure Pons, Eve Weiss, Claire Mathaut. Mise ne scène : Olivier Broda. Le 10 février à Rueil-Malmaison. Du mercredi au samedi à 19 h 30, dimanche à 15 heures du 28 mars au 6 mai au Vingtième théâtre, 7, rue des Plâtrières, 75020 Paris, tél. : 01 43 66 01 13.


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