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Expo : La relation interrogée

vendredi 9 mai 2008, par Pierre François


Exposer Hervé Robbe n’était pas une démarche classique. Mais les collections de peinture du musée montrent que ce n’est pas la première fois que le musée et les Havrais ont du nez…

C’est en juin 2006 que le musée Malraux du Havre a réouvert. Sorte de gigantesque loft situé à l’entrée du port, c’est une véritable boîte claire comportant d’immenses baies vitrées et coupée dans la moitié de son espace par un étage qui prend des allures de mezzanine tant lui aussi reste ouvert sur le reste des espaces muséaux. C’est dans ce lieu qui fut à la fois le premier musée reconstruit après-guerre et la première Maison de la Culture, inaugurée par André Malraux le 24 juin 1961, recelant la plus importante collection impressionniste après les lieux parisiens, que se tient actuellement une exposition-installation intitulée « Double Je – Nous comme entre deux » [1].

Si le titre peut paraître abscon, la réalité est d’une cohérence impressionnante. Hervé Robbe, danseur après avoir suivi une formation architecturale, est aussi plasticien. Et ce à quoi on assiste est non pas l’exposition d’œuvres dans un lieu mais l’exploitation et la transformation d’un lieu pour créer une atmosphère et une progression autour de l’idée de relation humaine. Car ce que l’auteur veut exprimer à travers le titre de « Double je » n’est rien de moins que la mise en relation d’altérités qui se cherchent en se modifiant. Ces modifications suivent la chronologie de la vie. La première œuvre est une plongée dans une grotte utérine qui fait perdre tout repère visuel, spatial et auditif. Peu après on se trouve face à la projections vidéo en face à face de deux adolescents encore androgyne qui se cherchent, eux-mêmes et réciproquement, à travers la danse. Plus tard viendra l’éventualité de la mort entraînée par celle de la relation impossible. En ce sens l’œuvre exposée est non pas une suite d’installations vidéos ou photo qui pourraient être vues indépendamment mais le tout, jusque et y compris dans l’ordre de la visite, les textes d’accompagnement (très poétiques) et la façon dont chaque pièce est agencée pour contribuer à l’élaboration d’une atmosphère. Ces installations ne sont pas à contempler pour s’en nourrir passivement, mais autant d’invites à se laisser prendre dans une ambiance et à la méditer. On le comprend très bien dès la première œuvre, dont le caractère déstabilisant pousse à l’interrogation en même temps qu’à se laisser porter. L’auteur joue de plusieurs médias graphiques (photo, vidéo, architecture) qu’il utilise non pas pour reproduire ce qui aurait été créé dans le cadre d’une autre discipline artistique (la danse) mais comme outils de recréation à partir du matériau qu’est la vision du corps en mouvement [2]. C’est son travail architectural d’intérieur qui lui sert à orienter la façon dont l’installation peut être perçue, de façon intimiste comme cette petite pièce sombre ou en invitant les spectateurs à faire partie de l’exposition dans cette œuvre qui les invite à s’asseoir ou se tenir debout via la longueur du fil du casque audio. Ce n’est pas par hasard non plus que le public est invité à s’asseoir entre les deux écrans qui se font face dans le cas de l’installation des androgynes qui se cherchent. De la part d’un danseur on pouvait évidemment s’attendre à une réflexion sur le corps, mais celle-là est menée de main de maître.

Pour ceux qui ne parviendraient pas à entrer en dialogue avec ces œuvres contemporaines, il est utile de se rappeler que le musée Malraux abrite une collection impressionnante de dessins de Boudin, parfaitement mis en valeur à l’étage [3]. Sans compter les legs des collections Marande [4], Dufy [5] et Senn-Fould [6], complétés par des acquisitions de la ville [7] qui en font le musée impressionniste le plus riche de France, Paris excepté.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Double je, nous comme entre deux », exposition d’Hervé Robbe. Musée Malraux, 2, boulevard Clemenceau, 76600 Le Havre. Ouvert du lundi au vendredi de 11 heures à 18 heures, samedi et dimanche de 11 heures à 19 heures, jusqu’au 18 mai. Le 17 mai, nuit des musées, en complément autour de l’exposition aura lieu une soirée , de 19 heures à minuit, sur le thème du chiffre deux. Entrée : 5 €, T.R. : 3 €. Bibliothèque, espace de restauration, librairie. Festival de danse « Météores 2008 » du 16 au 23 mai, avec le Centre chorégraphique national (dont H. Robbe est directeur) et la scène nationale du Volcan

[2] Dans la même logique, le livret DVD de l’exposition est à son tour une création faite en utilisant l’exposition comme matériau de base

[3] En fait son fonds d’atelier donné par son frère à la ville, soit 220 esquisses peintes sur toile, carton, panneau de bois.

[4] 63 peintures, 25 dessins et une sculpture portant les signatures de Jongkind, Pissarro, Monet, Marquet, Camoin, Van Dongen, Delacroix, Decamps, Daubigny, Harpignies, Corot, Fantin-Latour, Vuillard, Roussel, Maufra,…

[5] 70 œuvres de peinture, céramique, dessin, tapisserie.

[6] représentant un total de 71 peintures, 130 œuvres graphiques et 5 sculptures dont 5 Renoir, 40 dessins de Degas, 2 peintures et 33 œuvres graphiques de Cross et des Courbet, Delacroix, Corot, Sisley, Monet, Pissarro, Guillaumin, Sérusier, Valloton, Bonnard, Vuillard, Derain, Marquet, Matisse.

[7] notamment « Les Falaises de Varengeville », « Le Parlement de Londres », « Fécamp bord de mer » et « Les Nymphéas » de Monet, deux vues du port du Havre de Pissarro, « La Vague » de Courbet…


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