theâtre : Orson au soir, Welles de sa vie

Il fait chaud dans la salle Popesco du théâtre Marigny, et les grands y ont les genoux dans le dos du voisin de devant. Mais que ne ferait-on pas pour y voir Votre serviteur, Orson Welles [1] au soir de sa vie. Triste ? Non. Résigné ? Non. Aigri ? Encore moins. Le corps de ce vieil homme qui aime à se raconter le trahit plus ou moins, surtout du côté des cordes vocales. Mais l’esprit combattif est toujours là, de même que sa volonté acharnée pour donner chair à ses rêves. Alors il prête sa voix à des publicités, plus imbéciles les unes que les autres, mais sans perdre sa dignité. Et forme un couple indissociable avec son technicien, lequel le materne tout en le stimulant, supporte ses sautes d’humeur tout en le dirigeant. Le fil rouge du spectacle est cette volonté que Welles a de réaliser, sur ses propres deniers, son « Don Quichotte ». En vingt ans, il en a tourné quelques scènes, mais il veut maintenant le terminer.

Et on croit complètement autant à la légende du cinéma qu’à son obscur alter ego, car aucun n’écrase l’autre. Du grand théâtre, avec un travail des lumières aussi subtil qu’efficace.

Pierre FRANCOIS