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Peinture : Le ciel sur terre

lundi 8 décembre 2008, par Pierre François


Elle prévient d’emblée : « je ne suis pas une historienne de l’Art qui fait de l’Art, c’est plutôt l’inverse . Mais elle reconnaît que la fréquentation des plus grands maîtres à longueur de journée a pu l’aider dans son travail. Entretien.

Cinquante trois ans, Christine Chelini croyait avoir définitivement enterré sa pratique la peinture jusqu’à ce que... mais laissons la poursuivre :
« J’ai dessiné et peint depuis que ma grand-mère me laissait griffonner sur les emballages des commissions. J’ai ainsi exposé pour la première fois à 17 ans et puis, avec la maternité, j’ai choisi de me consacrer aux enfants et d’abandonner la peinture. C’est ma fille aînée qui, à seize ans, a un jour retrouvé dans la cave ces toiles et m’a aussitôt citée la parabole des talents. J’ai donc vécu ce retour à la peinture sur le mode de l’appel .

Q : Quelle était votre formation ?

R : « Je me suis formée par moi-même. A l’époque de ma jeunesse, dans les années 70, les écoles de Beaux-Arts étaient encore, disons perturbées. Par ailleurs, ce n’était pas dans mon idée de suivre l’enseignement d’un maître, d’imiter. Je voulais trouver ma voie personnelle. Lorsque j’ai repris la peinture, il y a dix ans environ, j’ai demandé conseil à quelques peintres. Ils m’ont dit de me trouver en peignant. Je me suis alors mis devant la toile entre huit et douze heures par jour .

Q : Y a-t-il néanmoins des maîtres que vous admiriez ?

R : « Oui, bien sûr. Du côté des anciens, il y a Roublev et son icône de la Trinité, Fra Angelico, Boticcelli. Et du côté des plus récents, il y a Kandinsky, Matisse, Mondrian.

Q : Est-ce que vous vous inspirez d’eux, vous influencent-ils ?

R : « Je ne peux pas le dire. De temps en temps, je m’aperçois qu’il y a une parenté entre un de mes motifs ou un de mes procédés et ceux de ces grands maîtres. Par exemple, je n’utilise que des couleurs franches, comme Matisse dans sa dernière période. Ce qui est certain, par contre, c’est que ce n’est sûrement pas un hasard si les peintres que j’aime sont pétris de Bible : Kandinsky a une approche des thèmes bibliques qui me touche, Mondrian était fils de pasteur et, lui aussi, imprégné de Bible.

Q : L’exposition que vous avez présentée à la Crypte du Martyrium de Saint-Denis mettait en rapport les deux premiers et les deux derniers chapitres de la Bible. Est-ce une façon de dire que votre oeuvre cherche à englober tout le livre sacré ?

R : « Non, c’est plutôt une mise en rapport, en symétrie, des moments de perfection ; d’où nous venons et où nous allons. La faute n’arrive qu’ au troisième chapitre de la Genèse et les chapitres 21 et 22 de l’Apocalypse parlent de la Jérusalem céleste, une fois les tribulations apocalyptiques terminées. Je me situe dans une perspective très positive. Je me sens proche de St Augustin et de Maurice Zundel. Par ailleurs, ma foi est nourrie par différents engagements. Avec mon mari, nous avons été foyer missionnaire à Montmartre, nous faisons partie des Equipes Notre-Dame, nous suivons la spiritualité ignatienne au sein de C.V.X. et sommes étudiants en quatrième année de théologie.

Q : Qu’est ce qui caractérise votre peinture ?

R : « Un jour, alors que je faisais des paysages que j’« emparadisais , à l’époque où je venais de me remettre à la peinture, un commissaire d’exposition sur la Bible m’a dit : « vous, vous ferez un jardin d’Eden . Et c’est vrai que maintenant je recherche sans cesse le sens profond de l’Eden et celui de la Jérusalem Céleste. Peut-être cela est-il à rapprocher du fait que j’aime le paradis, la gaieté, la joie intérieure et spirituelle de la foi. Je crois pouvoir dire que ma peinture n’est ni l’illustration d’un épisode biblique, ni la transcription de la conclusion intellectuelle d’un raisonnement théologique. Elle est directement reliée à ma foi.

Q : Pourtant, il y a du vitrail dans vos tableaux...

R : « C’est vrai. Le fait de recourir à des aplats, la séparation entre ceux-ci qui ressemble aux plombs des vitraux, l’utilisation de couleurs franches (rouge, vert, bleu, jaune, magenta, noir) au détriment des pastels, tout cela ressemble picturalement à du vitrail. Par ailleurs, j’accorde une grande importance à la vibration des couleurs, à leur entrée en résonance les unes par rapport aux autres, sans recourir au moindre artifice. C’est ainsi que désormais je n’utilise plus les effets qui donnent du relief, par exemple. Enfin, le commentaire que je peux faire du tableau est une forme de catéchèse. En tout cela, je me rapproche du vitrail. Par contre, l’enseignement qui va passer à travers le commentaire du tableau sera positif et ouvert sur l’infini, pas uniquement illustratif, centré sur un épisode précis et concret de la Bible.

Q : Comment définiriez-vous vos tableaux, alors ?

R : Le cardinal Barbarin, qui a la bonté de me parrainer pour la seconde fois, dit de ma peinture qu’elle est « essentiellement symbolique . C’est sans doute cela. De mon côté, comme Marie Curie qui découvrait le radium tout en continuant à chercher, je continue à découvrir ce vers quoi va ma peinture. J’ai ainsi vérifié ce que disait Matisse, à savoir que le noir est couleur, cela, sans tristesse ni mollesse.
Certes, chaque tableau est précédé par une réflexion théologique, mais il n’en est jamais sa transcription, sa racine directe restant la foi. Une foi qui, par grâce, est sensible à la joie du ciel et cherche à la suggérer– les étoiles jusque dans le bas de mes tableaux sont là pour manifester que le ciel est déjà sur terre – cette peinture s’adresse à tous, ceux du proche, comme ceux qui sont plus au lointain de la foi.

Pierre FRANCOIS


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