Théâtre : Variations sur le rire

Variations sur le rire [1] est une pièce au comique parfaitement maîtrisé. Sa force paradoxale est de parvenir à faire rire tout en démystifiant les ressorts des procédés humoristiques. Il suffit d’imaginer un prestidigitateur qui parviendrait à susciter autant d’admiration en faisant son tour qu’en l’expliquant pour mesurer le degré de talent qu’il faut pour arriver à faire rire de la sorte.

On commence, tout simplement est on tenté d’écrire, par l’énumération des sept différentes sortes de rire selon Jacques Lecocq. L’aspect technique de la démonstration se retrouve dans le décor : il est constitué de deux chaises (une par représentant de chaque sexes) un mur avec porte (pour les effets comiques nécessitant l’utilisation de cet accessoire) et un clavier (pour l’humour musical). La démonstration est méthodique. « Il y a des gens qui rient à ce qui est drôle, d’autres à ce qui n’est pas drôle », annonce le comédien avant d’ajouter « démonstration ». Et l’illustration du propos fait immanquablement rire.

La force du procédé tient à la stricte délimitation entre le moment où on explique de quoi on va rire et le moment de la mise en route de la technique annoncée. Tellement stricte que, pour qu’il n’y ait aucun doute, le comédien frappe dans ses mains pour indiquer la seconde précise à laquelle de professeur il devient illustrateur, et inversement. La brutalité du changement est en elle-même une nouvelle cause de bonne humeur. Toutes les situations y passent, de l’excuse hypocrite avec un zeste de cynisme à l’énervement soudain calmé par l’arrivée d’une protagoniste intimidant en passant par le comique de répétition ou les différentes façons de dire bonjour. Les mélomanes apprécieront cet air de variété française subissant les outrages de toutes sortes de rythmes tandis que l’instrumentiste se prend pour Chopin ou jette un regard pervers au public.

Bien entendu on assiste au truc qui permet de simuler la claque, et à la démonstration par l’exemple de l’origine de l’expression « faire la claque ». Là aussi, il y a lieu à sourire, car le rire déclenché par cette pièce est intelligent et plein d’enseignements.

Pierre FRANCOIS