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Théâtre : Petit amour virtuel deviendra-t-il réel ?

samedi 31 mars 2007, par Pierre François


Ils sont deux à se savoir exclus, et à idéaliser l’autre. A force de conversations téléphoniques, chacun transmet à son correspondant ce qui lui manque. Mais l’égoïsme n’est jamais loin. Ces amoureux intercontinentaux pourront-ils passer de la relation virtuelle à la réelle ?

Encore une histoire d’amour [1] est-elle une pièce – au demeurant tout à fait réussie – sur la polynévropathie atypique et l’agoraphobie ? Non. La maladie n’est ici que circonstance, et cause. Cause de la préférence de deux personnes pour un amour virtuel, convaincues qu’elles sont que leur vision conduirait à leur exclusion. Écrite à une époque où l’Internet était encore peu répandu, le masque est ici le téléphone, et la voix qu’il véhicule. Laquelle permet à l’un de dire qu’il est immonde sur un ton des plus séduisants et à l’autre de prétendre qu’on sonne à la porte quand la douleur devient trop forte.

Mais on ne va pas raconter une pièce qui a été finaliste des « Olivier Best Comedy Award » en 1987 pour son original anglophone – « Separation » – et a obtenu le Molière de la meilleure adaptation théâtrale en 1995, dans sa traduction par Jean-Claude Grumberg.

Par contre les façons d’incarner leur personnages,chez les deux comédiens, sont d’autant plus intéressantes qu’opposées elles aboutissent à une grande crédibilité.

Philippe Ivancic est parti du texte seul. « Un rôle n’est que de l’encre sur du papier, il n’existe pas en tant que personnage réel, il n’y a pas à chercher à entrer dans la peau d’une créature inexistante », explique-t-il. En même temps, il a bien conscience que ce texte-là, justement, est sans doute la meilleure des indications pour jouer un agoraphobe : l’auteur le fut lui même 15 ans durant. Écrire une pièce mettant en scène un célèbre auteur londonien atteint de ce mal n’a pas dû lui être très compliqué…

Charlotte Rondelez, quant à elle, campe le rôle de la jeune comédienne polynévropathique atypique qui se bat contre sa maladie, pour travailler, pour changer le regard d’autrui sur le handicap et pour transmettre son énergie à son aîné. Alors, pour donner plus de vérité à son personnage, elle a consulté. Et si les spécialistes ont pu lui dire comment cela fonctionnait, elle ne savait toujours pas comment cela se vivait. Ou plutôt elle se rendait compte que si elle essayait de jouer un manque, manque de force avec un muscle qui existe néanmoins, elle se provoquait des crampes. Et a fini par trouver une autre femme atteinte d’un handicap voisin, qui, sans pudeur déplacée, l’a aidée à ne plus raisonner en termes de moins mais d’autrement.

Le résultat est prenant, d’une vérité qui atteint d’autant plus le spectateur qu’elle a été découverte par la comédienne. Laquelle a pris garde à ne jamais pincer la corde sensible. Ainsi peut-on croire au handicap d’une façon saine. Jusqu’à la danse finale, qui est à elle seule plus parlante que douze théories sur l’amour !

Et une autre histoire d’amour

L’anniversaire  [2], également à l’Essaïon, est certes desservi par un décor bâclé. Mais ce divertissement a le mérite d’être bien joué et d’aborder un thème actuel : la difficulté à renouer des relations entre un enfant et le parent qui est parti, à moins que, mais on laisse la surprise au spectateur… Accessoirement est abordé la question de l’homosexualité de ce dernier, en des termes loin de tout militantisme ou dogmatisme. C’est suffisamment rare pour mériter le détour.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] Encore une histoire d’amour, de Tom Kempinski adaptée par J.-C. Grumberg. Avec Charlotte Rondelez et Philippe Ivancic, mis en scène par Antonia Malinova. Du mercredi au samedi à 21 h 30 jusqu’au 7 avril à l’Essaïon, 6, rue Pierre au lard, Paris-4e, M° : Hôtel de ville. Places à 18 €, TR : 12 €. Tél. : 01 42 78 46 42.

[2] L’anniversaire, de et mis en scène par Jules Vallauri. Avec Michel Voletti, Nicolas Vitiello, Frank Delay. Du dimanche au mardi à 20 heures, jusqu’au 3 avril à l’Essaïon, 6, rue Pierre-au-lard (angle 24, rue du Renard), Paris-4e, M° : Rambuteau, Hôtel de Ville. Places à 18/TR 12€. Tél. : 01 42 78 46 42.


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