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Polémique : Les pieds dans la boue et le regard vers l’horizon

mercredi 1er avril 2009, par Pierre François


Le carême des catholique, moment durant lequel ils cherchent à se rapprocher de Dieu autant par des moyens physiques qu’intellectuels, a été nourri par trois évènements d’ampleur internationale. D’une part le Pape a proposé à quelques évêques schismatiques de revenir dans le giron de l’Église. D’autre part un cardinal apportait son soutien à l’évêque de Recife qui excommuniait le médecin et la mère d’une fillette avortée de jumeaux issus d’un viol. Enfin, le Pape expliquait que le préservatif ne faisait qu’aggraver l’épidémie du sida.

Il n’est pas inutile de rappeler une vérité, une erreur et deux enjeux.

Une vérité : le rôle du Pape a toujours été de montrer la ligne d’horizon, qui recule au fur et à mesure que l’on avance, ce vers quoi les chrétiens sont appelés à tendre. Les évêques locaux ont la charge de l’application de ces principes au contexte local dont ils ont la charge. L’exemple que donnait un prêtre un jour était celui de la boite de conserve de foie gras qu’il était légitime de manger un vendredi de carême sous un climat tropical, pour éviter que la nourriture ne se perde, alors que le principe est de « faire maigre ». On pourrait aussi faire le parallèle avec la recherche fondamentale et la recherche appliquée.

Une erreur : aussi bien chez les catholiques que chez ceux qui sont étrangers à l’Église, cette dernière est souvent perçue comme une structure militaire, le fidèle étant le soldat de deuxième classe et le pape le général en chef. Or, si cela a été sociologiquement le cas dans le passé, il n’est pas inutile de rappeler que tout ministre, y compris du culte, est au sens latin de minister, un serviteur. C’est si vrai que le Pape se désigne lui-même comme « serviteur des serviteurs ». Et cela rejoint les propos d’un rabbin juif devenu célèbre par la suite, qui disait qu’il était « venu pour servir et non pour être servi ». On peut aussi se rappeler saint Paul qui compare les différents membres de l’Église à ceux du corps humain, chacun ayant à sa charge de servir les autres en fonction de ses propres aptitudes.

Deux enjeux : on vient de souligner celui qui mène à distinguer pouvoir et service. Mais il y en a un autre, qui concerne la distinction à opérer entre foi et morale. Une des balises utilisables consiste à se demander si la vérité est le contraire de l’erreur ou du mensonge.

Revenons aux évènement de ces derniers temps.

Quand le Pape donne la possibilité à des prélats de rejoindre l’Église sans contrepartie préalable, il ne fait que pratiquer le pardon que tous les chrétiens sont appelés à vivre. Si un de ses interlocuteurs se comporte en gamin capricieux et gâté, il n’y est pour rien. Et, fort naturellement, voit fondre sur lui les critiques dans la mesure où la logique de notre monde réclame des garanties préalables, au contraire de celle du pardon, qui est une prise de risque faite gratuitement au nom d’un amour divin qui nous dépasse et nous provoque à l’imitation.

Quand le Pape dit que le préservatif aggrave l’épidémie du sida, il mélange des données scientifiques (valables, mais uniquement dans le contexte étudié, cf. l’article ci-dessus) et des présupposés théologiques, un mélange des genres méthodologiquement critiquable. D’autant plus critiquable que le discours ne peut pas être le même lorsqu’il y a urgence ou lorsqu’il y a un choix libre de vie à faire. Et qu’il est évident qu’on ne peut pas dire la même chose à destination de personnes qui se mettent quasi-volontairement en danger mortel par désespoir ou de personnes qui ont encore la chance de pouvoir regarder la vie d’un œil optimiste. Sauf à rester sur le plan du principe, et de le dire, comme de dire que le principe est fait pour être adapté aux circonstances de la vie de chacun.

Quand le cardinal Battista Re dit qu’il apporte son soutien à la décision d’un évêque local, ce dernier eut-il sollicité son avis, il oublie complètement la distinction existant entre le rôle du Vatican et celui des évêques diocésains. Et il aurait mieux fait de se casser le poignet ou de se claquer les cordes vocales le matin où il a manifesté cet appui au lieu de le donner. Car il est évident que tous ceux qui ont encore à l’esprit l’image militaire de l’Église vont, à cause de lui, se méprendre une fois de plus sur qui a autorité et en quelle matière.

L’enjeu qui est derrière bien des débat, et notamment tous les débats de nature sexuelle (comment se fait-il d’ailleurs que tout le monde se focalise sur la morale sexuelle de l’Église et oublie de faire le moindre écho à son enseignement en matière de morale économique ?), est la confusion qui est entretenue entre foi et morale.

Saint Thomas d’Aquin expliquait qu’en matière de morale, le juge suprême de chacun était sa « conscience éclairée par la foi ». Inutile de dire que beaucoup se sont accroché au second terme de l’expression pour imposer des choix. Mais qu’est-ce que la foi ? La foi, disent les biblistes, c’est le « kérygme », c’est à dire l’affirmation du fait que le Christ est mort pour nos péchés et ressuscité. C’est si vrai qu’un théologien nommé Joseph Ratzinger écrivait il y a plus de trente ans un livre sur le « mystère chrétien » qui ne faisait que reprendre et expliquer les différents articles du Credo.
Certes, la morale dérive immédiatement de la foi : « aime et fais ce que tu veux », disait saint Augustin, ce qu’on peut comprendre comme « commence par aimer ton prochain comme Dieu l’aime et alors tu sauras comment te comporter avec lui ». Mais elle ne la précède pas ni ne s’y substitue.

Le malaise qui est derrière ces débats est simplement que les clercs ont du mal à croire en les fidèles et ces derniers en leurs pasteurs. Il faudra plus que la durée d’un carême pour arriver à cette conversion réciproque, mais le jeu en vaut la chandelle, pour réconcilier l’Église avec elle-même.

Pierre FRANCOIS


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