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Eglise en Irlande : conséquences d’une crise

jeudi 14 avril 2011, par Pierre François


De Dublin

Le Père Arthur O’Neill, la jeune soixantaine, connait bien la France et parle notre langue avec une aisance qu’on aimerait avoir dans la sienne. A la suite de la restauration des liens entre Dublin et Eu pour le huitième centenaire de la mort (1980) du premier évêque de Dublin en Normandie, il a remplacé le curé de cette localité durant dix ans en été. Actuellement, au bout de trente ans, il marie ses anciens enfants de chœur et baptise leurs bébés. Il est tellement inséré sur place que Mgr Duval lui a proposé de l’incardiner dans son diocèse. Mais il n’a pas voulu s’éloigner de ses parents et est resté à Dublin, où il est l’un des aumôniers de la communauté française. Son regard sur l’Église d’Irlande est donc celui d’un fils et non d’un étranger, même s’il a un pied dans chaque communauté. Il a été possible de le rencontrer au vol, entre ses tâches paroissiales de curé et un départ à Cork où il célébrait un mariage entre deux français.

D’emblée, il tient à préciser que si l’on parle souvent d’Église irlandaise, il n’y a qu’une Église, qui est celle du Christ, l’Église catholique, qu’elle se trouve en Irlande, en France ou ailleurs. Pour lui, c’est à partir du milieu des années 90, quand un évêque a eu un enfant puis du fait de tous les scandales, que la situation a beaucoup changé. La nouveauté est que désormais en Irlande on entend cette phrase, connue en France depuis longtemps : « je suis croyant mais pas pratiquant ». La situation est pénible pour tout le monde : laïcs, clergé et évêques, mais ce sont ces derniers qui souffrent le plus, parce que c’est leur management, leur organisation qui est remise en cause.

L’identité de l’Église en Irlande est en train de devenir collégiale, chaque paroisse a ici désormais son conseil pastoral, les laïcs sont engagés. Il y a certes une relation de cause à effet entre les scandales et l’institution des conseils pastoraux, mais il ne fait pas oublier que dans l’île la méfiance est généralisée. Elle concerne toutes les institutions : bancaires, éducatives, politiques... Le principe est désormais qu’on ne sait jamais et qu’il faut prendre en compte la condition humaine. En anglais, on dit que « le fils de Dieu n’est pas venu pour rien mais pour la rémission des péchés ! ». Et il faut se méfier de tous, y compris de soi-même. Ceci étant posé, d’autres facteurs jouent dans l’institution des conseils pastoraux, comme un désir authentique de s’engager, le manque de prêtre et une crise des vocations.

« Aimez vous les uns les autres, comme je vous ai aimé » serait néanmoins maintenant accepté en principe de vie morale, en se situant désormais en dehors des règles édictées par l’Église. Il y a un individualisme moral qui a surgi au sein de l’Église catholique et il semble que cette phrase de l’Évangile doive être plus comprise – mais qui peut sonder les reins et les cœurs ? – dans le sens d’une prise d’indépendance que dans celui d’une recherche d’ordre mystique, comme c’est le cas chez Saint Augustin ou Maurice Zundel. Personne ne se considère plus comme « coincé » par l’autorité de l’Église. Pour autant, les catholiques continuent très majoritairement de venir à la messe. On peut faire le parallèle avec ce qu’à vécu l’Église en France dans les années 80, quand on est passé d’un prêtre par paroisse à un par secteur, ce qui conduit les laïcs à s’organiser, prendre des décisions, présider des obsèques, etc.

La société entière, que l’on soit athée (car il n’y a pas que les chrétiens à être touchés par des scandales), croyant ou pratiquant, sent désormais qu’il est nécessaire de vivre un idéal, et aidé par une force qui nous dépasse pour contrer nos propres faiblesses. Du point de vue chrétien la phrase « Venez à moi vous tous qui peinez sous le fardeau et moi je referai vos forces » est bien d’actualité, et là est le don de la foi. Nous avons besoin du secours de l’Esprit de Dieu et de sa force. C’est cette dernière qui agit au sein de la société.

L’engagement des laïcs et l’évolution du rôle de l’évêque sont deux points majeurs dans les changements qui sont en train de s’opérer.
Alors qu’auparavant un évêque était un « prince » dont l’autorité n’était jamais discutée, désormais chaque nouvel évêque vit une période d’apprentissage face à ses fidèles. Mais il n’est pas dit qu’ils ne considèrent pas cette collégialité nouvelle comme une bonne chose (ce qui est le cas du reste du clergé), même s’il leur faut le temps de s’y habituer.
Du côté des laïcs, leur engagement ne procède pas forcément d’un désir de prise de pouvoir. En tant que prêtre, le père O’Connor se réjouit de voir comment l’équipe Notre-Dame dont il est aumônier prend la foi réellement au sérieux. Par ailleurs, explique-t-il, ceux qui viennent à la messe sont désormais là parce qu’ils le veulent et non par contrainte sociale... et il célèbre encore six messes par dimanche, toutes très suivies.

Pierre FRANCOIS


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