mercredi 12 septembre 2007, par marvel
Dans ce livre passionnant, JF Moreel présente une analyse de l’histoire et de la réalité de la théorie darwinienne de l’évolution. La première partie du livre présente « l’évolution » des idées en la matière, en partant de Buffon et de Lamarck. Puis entrent en jeu Wallace et Darwin, les deux pères de la théorie dite darwinienne de l’évolution. Moreel commence par rappeler une ou deux vérités que l’on ignore souvent : le livre de Darwin « l’origine des espèces » n’est pas construit suivant une logique scientifique expérimentale, mais bien suivant une argumentation de type « théologique », Darwin étant lui-même un théologien : ainsi, son œuvre maîtresse ne contient pas de démonstration expérimentale de la théorie qu’il avance, mais est plutôt construite autour d’une argumentation rhétorique.
Puis Moreel entre dans des aspects plus techniques, dont je ne peux donner ici que ceux qui ont le plus retenu mon attention.
1) le couple sur lequel se fonde la théorie darwinienne (hasard/sélection) pour rendre compte de la biodiversité est un leurre, en ce sens que la sélection ne favorise pas la biodiversité, comme tous les éleveurs le savent bien : en imposant une forte pression de sélection, on aboutit à une population homogène au plan phénotypique.
2) en embryologie, l’argument de la récapitulation de Haeckel (qui stipule que lors du développement de l’embryon, celui-ci passe par tous les stades évolutifs qui ont précédé) est une tromperie, comme Haeckel lui-même l’a reconnu, et les règles de base ont été correctement édictées par von Baer en 1828 : 1) développement des caractères généraux en premier, à partir desquels se développent les moins généraux, jusqu’aux plus spécialisés 2) L’embryon d’une espèce donnée s’écarte de plus en plus des stades d’autres animaux 3) Fondamentalement, l’embryon d’un animal supérieur n’est jamais comparable à l’adulte d’un animal inférieur, mais ressemble seulement à son embryon. Par ailleurs, les modes de développement embryonnaire des oiseaux, des mammifères, des batraciens etc. sont radicalement différents dès les premiers stades.
3) les « arbres phylogénétiques » qui reposent sur l’usage de l’horloge moléculaire – qui utilise les lois statistiques pour dater un gène – sont construits de manière complètement abusive et en utilisant les gènes qui fonctionnent pour confirmer la théorie, alors que 1) d’une espèce à l’autre, l’horloge moléculaire ne peut pas être comparée 2) si on l’utilise quand même, on aboutit à des résultats contradictoires si l’on ne prend pas garde de sélectionner le gène qui va bien.
4) l’exemple ultra classique utilisé au lycée comme « preuve » du darwinisme – hasard/sélection – de la phalène du bouleau ne fonctionne pas comme on veut le faire croire (il s’agit du fait que près des villes les phalènes noires sont plus abondantes que les claires, hypothétiquement parce que mieux dissimulées que ces dernières en raison de la pollution) : les articles d’origine sur le sujet, si on va les voir, doivent faire appel à bon nombre d’autres facteurs et ne font intervenir au mieux la pression de sélection darwinienne que pour une part minoritaire.
5) les arbres phylogénétiques ne présentent que des extrémités et les changements des espèces son d’une raideur incompatible avec la théorie darwinienne. Les espèces intermédiaires exigées par la « théorie » sont introuvables à ce jour. En outre, plus on dispose de données précises sur les transitions dans les arbres phylogénétiques, plus elles se raidissent, en règle générale. Enfin, dans bien des cas les formes de transition paraissent difficiles à imaginer fonctionnellement parlant.
6) le phénomène de macro évolution n’a pas l’ombre d’un début d’explication, et notamment des formes « plus évoluées » apparaissent parfois avant des formes qualifiées de « moins évoluées » par les darwiniens.
La liste pourrait se continuer, notamment sur des notions de biochimie abordées par l’auteur et un certain nombre d’autres choses. Moreel montre que d’autres approches – à commencer par la théorie des équilibres ponctuées – existent. La théorie des équilibres ponctués ne donne qu’un rôle mineur à la sélection au sens darwinien du terme, et rend compte de manière beaucoup plus simple d’un certain nombre de phénomènes observés, même si elle n’est pas exempte de tout reproche, notamment par le fait qu’elle demande de « croire au miracle » en ce qui concerne la spéciation (macro évolution).
Les aspects les plus importants, à mon sens, de l’argumentation de Moreel sont les suivants : en tout premier lieu, le darwinisme n’est pas scientifique parce qu’il s’efforce de répondre au pourquoi et pas au comment, aboutissant littéralement à des tautologies qui n’ont de scientifiques que le nom. Elles satisfont superficiellement l’esprit humain qui pense facilement suivant les règles du « pourquoi », mais cela ne constitue en rien une approche scientifique des choses, mais bien plutôt une approche philosophique ou métaphysique. Moreel donne notamment des éléments concrets illustrant l’erreur épistémologique majeure qui se cache dans cette démarche, et ce seul aspect est à mon sens un très bon moyen de s’entraîner à comprendre le point de vue scientifique et de raisonner sainement en termes épistémologiques (ce livre est par endroit, en quelque sorte, un cas pratique d’épistémologie).
De fil en aiguille, il montre également comment la pensée darwinienne est littéralement devenue un dogme, empêchant de penser correctement en biologie, au point d’exclure les résultats expérimentaux qui ne vont pas dans le sens de la théorie, et au point même – dans le cas par exemple de la théorie du gène égoïste – de retenir l’exception pour justifier la règle. Autre point, le caractère tautologique de l’évolution est renforcé par le flou entretenu sur bien des aspects, notamment les définitions des niveaux taxinomiques, ou encore l’arbitraire de ce qui est plus ou moins évolué. Enfin, Moreel souligne les profondes interactions entre science et modèle de société qui ont gouverné le développement de la pensée scientifique dans ces affaires, et notamment l’affrontement soviétique/libéral qui rend inaudibles, ou presque, les théories qualifiées de lyssenkiennes fondées sur l’hérédité de caractères acquis, en dépit d’évidences expérimentales claires, notamment en ce qui concerne les végétaux. Il montre qu’un certain nombre d’approches expérimentales a priori très fructueuses ont été condamnées parce que n’allant pas dans le sens du dogme darwinien… Bref, ce livre est à lire absolument ! Il est d’une grande pédagogie, expliquant point par point les éléments avancés, et fait preuve d’un très grand recul sur ces questions.
L’abondance des points soulevés est telle qu’il n’a pas été possible, ici, de les résumer tous, encore une fois, mais seulement ceux qui nous paraissaient les plus frappants tout en ne nécessitant pas trop d’explications des notions.
Marc (tiré du forum docteur angélique .)