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Darwin, du hasard et Dieu. Michel Delsol

vendredi 30 mai 2008, par marvel


Un peu orphelin d’une véritable chronique sur la science et la foi dans France Catholique depuis le décès d’Aimé Michel, je me suis particulièrement réjoui en découvrant dans cette revue il y a quelques semaines le dossier sur le livre de Michel Delsol, traitant de Darwin, du hasard et Dieu.

L’article pointe bien quelques-unes des principales questions qui se posent aujourd’hui aux frontières de la science et de la foi :
- qu’est-ce que le vivant ?
- quelle est l’origine de la vie et comment l’homme est apparu ?
- qu’est-ce qui le distingue de l’animal ?
- quel rapport entre conscience et matière. Autrement dit, la conscience est elle une propriété émergente de la matière ?
- le hasard explique-t’il l’origine de l’univers ?

Toutefois j’ai été un peu déçu quand à l’analyse de ces différents points. Elle ne me semble pas vraiment pointer sur les vrais défis, ni tenir compte de travaux récents de la science (car les positions avancées restent celles du siècle dernier) et, à mon avis, ne positionne pas d’une manière juste la question de la foi vis à vis de la science.

Au sujet du rapport entre le cerveau et la conscience de soi, l’intelligence et la pensée. L’article laisse entendre que la thèse dominante selon laquelle la conscience de soi et l’intelligence sont "secrétés" par le cerveau (on dit plutôt aujourd’hui que la conscience serait une propriété émergente de la matière), donc que celles-ci n’existent que par les connexions neuronales serait confirmée par le fait que les zoologistes détectent une intelligence chez les animaux, particulièrement les grands singes. Or cela n’a rien à voir : cela démontre peut être que les animaux ont aussi une conscience d’eux même et une forme d’intelligence mais cela ne dit rien de plus. Car qu’elle est la thèse opposée à celle de "l’homme neuronal" de Jean-Pierre Changeux ? C’est que le cerveau serait plutôt une sorte d’antenne de la conscience. La conscience et l’intelligence pourraient exister indépendamment du cerveau dans un autre plan de l’être et le cerveau n’en serait que l’antenne qui les "connecte" au corps. Que les animaux aient aussi une intelligence n’interdit pas que leur cerveau ait cette même fonction. Donc utiliser les travaux de zoologistes pour infirmer le dualisme corps-esprit est une erreur.

Sur cette question, c’est d’autres travaux scientifiques qu’il faut invoquer : ceux du cardiologue hollandais Pim van Lommel (publiés dans la revue scientifique the Lancet) sur les expériences de mort imminentes lors d’arrêts cardiaques. Il évoque le fait que des personnes ait eu conscience et ait relaté des évènements factuels ayant eu lieu alors que leur encéphalogramme était plat : il n’y avait plus d’activité dans leur cerveau à ce moment et pourtant ils ont gardé une conscience de ces évènements (dont certains sont parfois hors de portée de leur corps). Van Lommel est un des premier a vraiment entourer ces études d’un véritable protocole scientifique, qui démontrent pour l’instant que 18% des arrêts cardiaques déclenchent une expérience de mort imminente. Ces travaux mériteraient d’être prolongés pour démontrer la présence d’une conscience indépendante de l’activité cérébrale. ceux de Benjamin Libet (Ucal San Francisco) sur les différences entre les temps neuronaux et les temps de la conscience. Ce sont des expériences complexes à décrire qui ont été faites sur le cerveau mais qui démontrent que les temps de perception de la conscience et ceux des neurones diffèrent. Ceux de J. Grinberg et Zylberbaum qui ont réalisé en 1994 une expérience (publiée dans la revue scientifique Physics Essays, vol. 7, n. 4) démontrant que deux cerveaux humains pouvaient interagir à distance. Les deux sujets étaient séparés par des chambres de Faraday insonorisées, cette expérience garantissait que ce n’était ni un signal sensoriel, ni un signal électromagnétique qui était le moyen de communication.

Ces divers travaux contredisent le modèle réductionniste et plaident pour une autre dimension de la conscience échappant au simple fonctionnement neuronal. Le prix nobel de médecine, John Eccles, a aussi publié un article démontrant que les connexions neuronales étaient soumise à l’indétermination quantique, ouvrant ainsi la voie à des théories sur la conscience comme un champ quantique (adaptation du formalisme quantique à une théorie de la conscience) qui sont par exemple développées par François Martin, à l’université Paris VI.

Sur la question du Darwinisme, une critique beaucoup plus forte me semble avoir été prononcée par JF Moreel dans « le Darwinisme, l’envers d’une théorie » dont nous avons publié une critique sur Holybuzz . Je ne reviens pas sur ces différents éléments d’autant que l’article d’Alexandre Da Silva ne détaille pas le positionnement du livre de Michel Delsol, je ne voudrais pas engager un faux procès alors que je n’ai pas lu ce livre.

Sur la question de l’origine de l’univers, du big bang et du rôle du hasard, si je suis d’accord avec l’analyse philosophique de la question des causes, on ne peut passer sous silence la question du principe anthropique qui reste d’actualité. Pour résumer ce principe, il s’agit de l’étonnement des scientifiques vis à vis de l’improbabilité de la vie et du réglage fin de l’univers (« fine tuning ») : l’univers semble parfaitement règlé de manière à faire apparaître la vie et ce dans un ordre de grandeur bien supérieur à la taille même de l’univers. Face à cette véritable question qui est loin d’avoir été résolue, certains en arrivent à évoquer la possibilité d’une infinité d’univers parallèles (du coup le calcul de probabilité change un peu !) pour échapper à une cause divine.

Reste maintenant la question de l’attitude du scientifique croyant, je pense que c’est une erreur que de se « comporter en agnostique complet dans son laboratoire ». En effet, si la foi n’a pas de raison d’impacter la méthode scientifique, elle peut par contre donner des pistes au chercheur. En effet, la science et la religion ont en commun d’être chacun une quête de la vérité. A différents niveaux c’est vrai, car la vérité scientifique est par définition réfutable contrairement au dogme. Mais si vous êtes catholique, que vous avez fait l’expérience du Christ ressuscité et donc croyez qu’il veille sur l’Eglise et garantie son infaillibilité en matière de dogme, vous croyez par exemple :
- qu’Adam et Eve ont existé personnellement.
- qu’il y a une vie après la mort et que la conscience perdure après la destruction du cerveau. Dès lors vous ne pouvez vous satisfaire de théories réduisant la conscience au cerveau seul, et vous devez explorer les autres pistes que j’ai évoqué dans le point 1°.

La théorie de l’évolution peut être tout à fait acceptée comme le moyen qui a permis de modeler le corps d’Adam et d’Eve, mais vous ne pouvez vous satisfaire de théories qui imaginent une apparition progressive de l’humanité : il n’a pas existé et il n’existera pas d’intermédiaire entre l’homme et l’animal. Soit c’est un homme qui reçoit à un moment précis son esprit du Créateur, soit c’est un animal. Certes, sur le plan scientifique ce ne sont pas des arguments que l’on peu invoquer, mais ils ont forcément un impact sur le travail du scientifique catholique car ils peuvent orienter sa recherche, son questionnement et ouvrir des pistes de découverte. (Je réduis au catholique car l’autorité du magistère et du dogme simplifie ces limites, mais c’est valable pour tout croyant).

Marvel


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