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Francophonie : Do you speak french ?

dimanche 26 novembre 2006, par Pierre François


Depuis huit ans maintenant, l’académie de la Carpette anglaise décerne cette distinction, qui a plus de parenté avec un prix citron que littéraire. Citons quelques-uns des précédents lauréats, leur modestie les empêchant le plus souvent de se vanter d’une telle élévation : Louis Schweitzer, Jean-Marie Colombani, France Télécom. Et aujourd’hui ?

Le 22 novembre dernier, une distinction originale et peu convoité a été décerné : le prix de la Carpette anglaise.

Rappelons que l’académie du même nom « décerne chaque année ce prix d’indignité civique à un membre, personnalité ou personne “morale” des “élites françaises” qui s’est particulièrement distingué par son acharnement à promouvoir, au détriment de la langue française, la domination de l’anglo-américain en France ». Et que « depuis 2001, un prix spécial du jury à titre étranger est attribué à un membre de la nomenklatura européenne ou internationale, pour sa contribution servile à la propagation de la langue anglaise ».

Mentionnons pour l’anecdote que la remise de ce prix se fait toujours dans un esprit bon enfant, voire parfois gaulois, mais jamais revanchard ou dépité. En témoigne cette tradition parodique consistant à proclamer le résultat à l’issue d’un repas au restaurant, mais ici au buffet de la gare d’Austerlitz. Les membres du jury comme des associations qui la soutiennent [1] sont de bons vivants qui aiment leur langue et ont des raisons de ne pas lui voir un avenir si sombre que cela.

Étaient en compétition cette année l’Agence nationale pour la Recherche, Jean-Marc Ayrault [2], Christian Brodhag [3], Philippe Baudillon [4], Henri de Castries [5] et le Conseil constitutionnel.

L’ANR avait lancé un appel à proposition pour lequel les dossiers de réponse devaient être rédigés en anglais. Jean-Marc Ayrault a mis en place un service d’autobus baptisé « Busway » et un site Internet nommé « Mail in Nantes ». Philippe Baudillon a fait diffuser « Top of the pops » et « Dancing show ». Christian Brodhag a publié en janvier un rapport officiel sur le charbon, en anglais. Henri de Castries a déclaré en mai 2006 « c’est bien de parler arverne quand on est chez soi… Nous avons un désavantage compétitif, notre langue ». Enfin le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le protocole de Londres sur les brevets européens, de sorte qu’un texte rédigé en un idiome étranger a force juridique en France.

C’est ce dernier qui a remporté la palme par huit voix (contre quatre au président d’Axa) en raison du caractère récidiviste de son attitude. En effet, ce même Conseil avait en 1994 partiellement censuré la loi Toubon sous l’influence des milieux publicitaires. Et en 2002 validé la loi Murcef autorisant la Cob à ne fournir aux actionnaires que des résumés en français, en cas d’appel public à l’épargne.

Les candidats étaient moins nombreux en ce qui concerne le prix spécial à titre étranger.

Était en lice Bernard Kouchner, un habitué des listes de sélection de l’académie, pour considérer l’anglais comme avenir de la francophonie dans son livre Deux ou trois choses que je sais de nous. Il y avait encore Ernest-Antoine Seillière, président de l’Union des Industries de la Communauté Européenne, pour son discours en anglais lors du Conseil européen de Bruxelles en mai 2006, qui avait vu le président Chirac sortir de la salle en signe de protestation. Le dernier candidat était… les institutions européennes dans leur ensemble pour avoir choisi « Together since 1957 » comme logo commémoratif du 50e anniversaire du traité de Rome.

C’est le capitaine d’industrie qui a gagné cette compétition. Et haut la main puisque son penchant a été reconnu à la quasi unanimité.

Ce prix change-t-il quelque chose à une évolution présentée comme inéluctable par snobs et moutons ? Le fait est qu’une protestation de la section bruxelloise de Défense de la langue française a abouti au changement d’un affichage unilingue pour un multilingue sur le fronton de l’immeuble local de la Communauté européenne. On est donc en droit de penser qu’une initiative nationale émanant du pays de Molière ait également quelque retombées proportionnelles…

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] Association pour la sauvegarde et l’expansion de la langue française (Asselaf), 22, rue François Miron, 75004 Paris, http://asselaf.neuf.fr/ , asselaf@wanadoo.fr ; Avenir de la langue française (ALF), 34bis, rue de Picpus, 75012 PARIS, tél. : 01 43 40 16 51, fax : 01 43 40 17 91, http://www.avenirlanguefrancaise.org/, secretariat@ avenirlanguefrancaise.org ou avenirlf@wanadoo.fr ; Cercle des écrivains cheminots (CLEC), 9 rue du Château-Landon, 75010 Paris, http://clec.uaicf.asso.fr/clec.htm, besson.raymond.clec@wanadoo.fr ; Défense de la langue française (DLF), 20 rue Henri Barbusse, 75005 Paris, tél. : 01 42 65 08 87, fax : 01 40 06 04 46, http://www.langue-francaise.org/, dlf78@club-internet.fr ; Le Droit de comprendre (DDC), tél : 01 40 43 24 61, http://perso.orange.fr/avenirlf/DDC/Presentation.htm ou http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Droit_de_Comprendre, droit.de-comprendre@laposte.net. C’est cette dernière association qui héberge l’académie de la Carpette anglaise. En dehors de ce cartel mais en lien avec lui, on peut noter l’existence d’un site francophone à vocation internationale assez combattif : http://www.voxlatina.com/. Mais il est loin d’être le seul à aimer et vouloir défendre notre langue…

[2] Maire de Nantes et président du groupe socialiste à l’Assemblée.

[3] Délégué interministériel au Développement durable.

[4] Directeur général de France 2.

[5] Président du directoire d’Axa.


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