Anniversaire littéraire : le 28 décembre 1897... avait lieu la première de "Cyrano de Bergerac"

Il y a deux Cyrano.

La pièce

Le 28 décembre 1897 a lieu la première de Cyrano de Bergerac. Rostand s’excusant avant le lever de rideau auprès des comédiens de les avoir entraînés dans cette effrayante aventure, décoré de la Légion d’honneur à l’entracte, ovationné vingt minutes à la fin de la pièce, tout le monde connaît cet épisode.

On sait moins ce que l’œuvre doit à la vie de son auteur. Lui qui passa plus de vingt deux étés à Luchon donna à quelques personnages des noms en rapport avec les localités à l’entour de cette station thermale : les Baron de Casterac de Cahusac, Vidame de Malgouyre Estresc Lesbas d’Escarabiot, Chevalier d’Antignac-Juzet et Baron Hillot de Blagnac-Saléchant de Castel-Crabioules. Et la scène du balcon serait inspirée de lettres qu’il aurait écrites pour Jérôme Faduilhe, alors amoureux de Marie Castain.

Et que doit à la vie du vrai Cyrano (Paris, 6 mars 1619 – Sannois, 28 juillet 1655) la pièce de Rostand ? Sa sœur (et non sa cousine) était entrée au couvent en 1641. Il avait un ami nommé Le Bret, qui sera son biographe et confiera que mon pere voulant que je servisse dans les Gardes, je l’obligeay d’entrer avec moy dans la compagnie de Monsieur de Carbon de Casteljaloux. Cyrano participe au siège d’Arras, où meurt le baron de Neuvillette (Christophe, qui devient Christian chez Rostand), époux de la cousine de Cyrano, Madeleine Robineau (qui devient Magdeleine Robin, dite Roxane). Gassendi est précepteur d’un ami de Cyrano, qui profite aussi de ses cours et, dans la pièce, il se dit musicien, comme tous les disciples de Gassendi !. Molière, ami de Cyrano, lui prit des répliques de son Pédant Joué pour ses Fourberies de Scapin. Il est un fait qu’il combattit cent hommes, en tua deux, en neutralisa sept et mit en déroute le reste. Il écrivit un pamphlet contre un gros homme : Montfleury. En 1648, il signe un de ses écrits Hercule de Bergerac (Rostand le nomme Cyrano-Savinien-Hercule de Bergerac) alors que sa propriété familiale était en vallée de Chevreuse. Il écrivit les Estats et Empires du Soleil. Et en 1654, il reçoit une pièce de bois sur la tête.

Le poète

Savinien de Cyrano, qui ajoutera de Bergerac au moment d’entrer chez les Cadets de M. de Carbon de Casteljaloux, est contemporain de Boileau et Molière. Son premier écrit revendiqué (1648) est Au sot lecteur et non au sage, pour défendre son amant depuis 1640, Charles Coypeau d’Assoucy, avec qui il se brouillera en 1653. Dès 1649, il fait remarquer sa verve pamphlétaire dans sept mazarinades [1]. En 1654, c’est au tour de lettres poétiques ou satiriques de voir le jour, mais surtout à ses pièces le pédant joué et la mort d’Agrippine. En 1657, c’est le roman de science-fiction L’autre monde, qui regroupe Histoire comique des Estats et empires de la Lune et Histoire comique des Estats et empires du Soleil. Et en 1662, il écrit le fragment de physique.

Deux malentendus l’ont frappé, au sujet du libertinage et de l’athéisme.

Son libertinage fut celui d’un esprit libre, qui se désola de ce que c’est la Vérolle / Qui me fait aller en bricolle / Et m’enyvre sans avoir bû. Et pour cause… Quant à son athéisme, si son esprit scientifique et provocateur fait faire profession d’athéisme à certains de ses personnages, on sait qu’il était fort respectueux (et prudent) quand il employait le mot de Dieu, qu’il ne confondait pas avec les jésuites dont il avait souffert.

Le curé de la paroisse de Sannois certifia, le 1er août 1655, de sa mort chrétienne(ment) et du fait qu’il est enterré dans l’Eglise du ditlieu.

Pierre FRANCOIS