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Année Vauban : le français usité par Vauban

vendredi 31 août 2007, par Pierre François


Si Vauban confesse écrire mal certaines de ses tournures ravissent tout esprit curieux de connaître les évolution de notre langue.

« On me jette le chat aux jambes » [1] écrit-il pour dire qu’on le met dans l’embarras. Et quand il craint que la France ne soit victime d’une « paix fourrée » [2], le dictionnaire de l’Académie de 1694 nous apprend qu’il s’agissait d’une réconciliation feinte.

Il lui arrive de se plaindre de ce qu’on ne le menace pas « de poires molles » [3], litote agricole que l’on retrouve sous la plume de Molière [4]. Toujours dans le domaine rural, « mettre aux champs » [5] signifie mettre quelqu’un en colère ou en crainte.

« Homme à bien tenir son coin » [6], est une référence plus urbaine, pour quelqu’un qui sait rester à sa place, comme au jeu de paume [7].

Des expressions ont évolué. Sa fille parle de gens « noirs comme des charbons » [8] pour dire combien ils sont peu recommandables. Si cette expression a disparu, on a maintenant « noircir le tableau ». Et la phrase « il ne saurait tomber que debout » [9] se dirait aujourd’hui : « il retombe sur ses pieds ».

Il y a aussi des glissements de sens. Léger, comme dans : « j’ai une grande démangeaison de babiller un peu là-dessus ; mais comme cela est gaillard… » [10]. Plus accentué dans « procurer un abonnement » [11], qui est arrivé au sens actuel de service régulier parce qu’à l’origine il s’agissait de cultiver une bonne terre pour en tirer périodiquement un revenu fixe, ce qui est le projet de Vauban pour les villes de Fécamp et Saint-Valéry.

Notons encore l’utilisation du mot « recousse » [12], apparenté à notre « rescousse », avec le même sens de reprise d’un butin ou de délivrance d’un prisonnier très rapidement après la première prise.

Mais lire la correspondance de Vauban, c’est aussi se familiariser avec un style, celui du grand siècle, sans avoir à faire d’effort de traduction, les éditions Scala [13] ayant pris le parti de moderniser le vocabulaire.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] 26 avril 1697

[2] 12 septembre 1706

[3] 26 avril 1697

[4] « … la dureté de votre âme, qui par ses continuels dédains, ne me promet pas poires molles », La Comtesse d’Escarbagnas.

[5] 9 novembre 1702

[6] 27 février 1674

[7] comparable ici à une partie de tennis en double.

[8] 14 juin 1702

[9] 26 novembre 1704

[10] 23 juillet 1703

[11] 19 février 1697

[12] 27 février 1674

[13] « Vauban, un militaire très civil », lettres présentées par Guillaume Monsaingeon, éditions Scala.


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