holybuzz
Accueil du site > Art et Culture > Année Vauban : Vauban et la Nouvelle France

Année Vauban : Vauban et la Nouvelle France

vendredi 31 août 2007, par Pierre François


Vauban porte un intérêt grandissant plutôt que de la première heure à la « Nouvelle France ». Six courriers des 150 publiés par les éditions Scala montrent comment ses amis ont su le gagner à cette cause.

Le 3 octobre 1682, il indique : « je conçois très bien le bonheur d’une honorable retraite, si elle pouvait être accompagnée d’une indépendance qui nous… redonnât cette tant désirée liberté qui ne se trouve que chez les Américains… ». Il est séduit, mais par une abstraction.

Le 10 mars 1685, Seignelay lui a demandé un dessigneur à envoyer sur place, et il lui envoie Villeneuve. « Il est capable de bien lever les plans et profils… et d’assez bien faire une carte qui est à mon avis tout ce qui peut vous faire besoin », écrit-il. En fait Seignelay veut « un ingénieur qui outre le dessin sache encore faire travailler sur le terrain, faire le devis et les toises et… bien conduire la maçonnerie et même (de) donner son avis sur les projets des ouvrages », « faire… le dessin de quelques petit fort… sache lever des plans et des cartes et faire bien exécuter les projets qui lui seront envoyés ». Mais Vauban préfère garder ses dessigneurs plutôt que de participer au développement de la Nouvelle France.

Le 21 mai 1686, après une intervention de Denonville, gouverneur et Lieutenant général de la nouvelle France, il réécrit à Seignelay : « « M. Denonville étant de mes amis de longue main, il me pria à son départ pour le Canada que nous puissions avoir quelque commerce de lettre… De la façon qu’il me parle des habitations de ce pays là, il me paraît qu’elles ont été bâties au hasard… il est certain que si vous ne donnez ordre à les rassembler… on ne viendra jamais à bout d’y établir une bonne police non plus que de les conserver…. Il faudra… y envoyer des ouvriers de ce pays-ci car… j’apprends qu’il y en a fort peu en ce pays là, encore sont-ils extraordinairement chers et grands fainéants… ». La « liberté » des américains est devenue fainéantise, mais devient concrète.

Le 12 août 1690, nouvelle correspondance avec Seignelay. Villeneuve a manqué sa mission [1]. « si je ne l’avais assisté je crois qu’il serait mort de faim. Je sais que c’est un petit fou… mais… il est encore très propre à bien faire la carte d’un pays [2].

Le 17 mai 1700, il écrit à Callières, ancien Gouverneur de Montréal devenu gouverneur général de la colonie. Il est le frère du secrétaire de la main du Roi et ami de Vauban. Ce gouverneur vient de collaborer à la passion de Vauban pour la démographie. Ce dernier répond : « J’ai reçu… le dénombrement ou table du Canada… Je joindrai ici un formulaire… pour faire le dénombrement… j’y ajouterai… un mémoire que je fis l’an passé… sur les colonies du Canada … Vous n’avez rien dit de l’Acadie ; ne serait-elle pas de votre gouvernement ?… Je ferai de mon mieux pour réveiller M. le comte de Pontchartrain sur le Canada… » Ce courrier montre un intérêt franc pour la colonie dans son entier, et pour sa sécurité.

Cela ne l’empêche pas de rester lucide quand aux possibilités d’enrichissement du royaume par le commerce maritime : « Je ne parle pas de celui du Canada ni des îles de l’Amérique qui est peu de chose… [et] n’a d’autre utilité que pour ceux qui y ont intérêt, qui nous transportent là beaucoup d’argent pour en rapporter des babioles ».

Il y eût aussi des contacts indirects : Chaussegros de Léry, considéré comme père de la première « architecture canadienne » [3], fut élève de Vauban avant de partir au Canada, de s’y marier en 1717 et d’y mourir en 1756.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] même s’il a fait une carte de l’île d’Orléans encore connue aujourd’hui au Canada.

[2] Et d’ajouter : « au reste je ne vous demande grâce pour lui que par un motif de charité et par la crainte que le désespoir ne l’oblige à déserter et à se jeter chez les ennemis ». Vauban mêle toujours intérêt du royaume et charité.

[3] L’« architecture canadienne » est une école qui, au lieu de transposer les modèles de construction importés, sut les transformer pour s’adapter aux contraintes du pays. Chaussegros de Léry utilisa la reconstruction du reconstruction du palais de l’intendant, incendié en 1726 pour en vulgariser les canons. Et mis au point un plan type de maison bourgeoise qui s’adaptait aux matériaux du lieu tout en transposant certaines conceptions sociales françaises.

2 Messages de forum

  • La relation de Vauban à la Nouvelle France est plus complexe. Les 5 lettres qui viennent d’être republiées (Scala) ne constituent qu’une infime partie de la correspondance de Vauban concernant le Canada publiée par une canadienne Louise Dechêne en 1968. Vauban s’est beaucoup intéressé à la Nouvelle France, voir son mémoire Sur les Colonies, inclus dans ses Oisivetés, publiées pour la première fois intégralement en octobre 2007 chez Champ Vallon sous ma direction. Michèle Virol maître de confèrences d’histoire moderne Paris-IUFM-Sorbonne Paris IV
    • Année Vauban : Vauban et la Nouvelle France 9 décembre 2007 17:01, par pierre francois

      Je ne doute pas que la relation de Vauban à la Nouvelle France ait pu être plus complexe que ce que le modeste journaliste que je suis a pu déceler à travers les courriers publiés chez Scala. Mais ne pensez vous pas qu’il eut été plus utile pour le lecteur de savoir en quoi plutôt que d’assister à ce qui me semble bien être la revendication d’une vanité d’auteur ? Ceci étant, il n’est pas trop tard pour proposer un article qui n’ait ni la longueur ni l’ennui d’une thèse, bref un texte concis qui donne envie de se documenter plus avant, car tel est l’idéal de tout article de presse. Je sais, je le dis sans mettre de gants, mais j’ai encore deux articles sur le feu et pas beaucoup de temps à passer sur un travail terminé. Bien sincèrement

      Pierre FRANCOIS


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette