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Musique : la musique végétale de Jean-Yves Bardoul

vendredi 17 février 2012, par Pierre François


Jean-Yves Bardoul [1] n’est pas un musicien ordinaire ! On a tous coincé un brin de chiendent entre la peau de nos poignets et celle de nos pouces pour la tendre et en tirer un son strident. Mais lui le fait avec toutes sortes de plantes, de la feuille de lierre (manifestement son instrument préféré) à l’endive en passant par la courgette, le poireau, la lentille d’eau, la paille d’avoine... selon les saisons. Et, pourquoi pas aussi, le bouchon glissé sur une vitre, la boite de pellicules ou la cartouche de fusil.

Entre deux démonstrations musicales au téléphone il explique comment l’homme a d’abord créé des appeaux puis a cherché à se distraire en gardant les troupeaux à l’aide de ce qu’il avait sous la main, démarche qu’il fait remonter à l’âge préhistorique. Poursuivant cette évolution, il en est venu à créer des mélodies écrites et reproductibles pour ces instruments offerts par la nature. Il peut ainsi se targuer d’avoir une fois donné un concert pour feuille de lierre et orgue avec un ami car, explique-t-il, cette feuille est un instrument dont le son porte loin de sorte que, sous les voûtes de la chapelle, les deux s’entendaient aussi bien.

Mais la première « musique » à laquelle on pense, eu égard au contexte campagnard dans lequel elle se fait, est d’imiter les animaux. L’endive imite la poule à s’y méprendre, de la cartouche de fusil on tire les cris de la chouette hulotte ou du coucou, la vis qui grince quand elle est tournée dans du chêne rend le son du chardonneret, etc. Le point de dépat de cette aventure a été la rencontre qu’il a faite avecun vanneur,lors d’un collectage, ce dernier tirant de la musique à partir de ses matières premières. Aujourd’hui, il complète sa recherche végétalo-musicale par celle des mimologismes, auprès des anciens.

Il s’agit de phrases mnémotechniques rappelant, quand elles sont prononcées sur un certain rythme et en les chantant, les bruits du vivant. Pour la chèvre, on dira « Bernadeeete, Gineeete ». Tandis que « Veux-tu coucher avec moi ? (bis) » imite la chouette hulotte mâle, ce à quoi la femelle répond « que oui, que oui ». Même les cloches parlent, pour annoncer un enterrement, par exemple : « chantez bien bien, c’est du sapin ».

La question qui vient inévitablement à l’esprit est de savoir si de tels instruments sont accordables comme ceux faits de main d’homme. Il explique que oui, mais on comprends que cela n’est possible que grâce à une longue expérience, la clé de l’accordeur de piano étant ici remplacée par l’épiderme et la bouche de l’instrumentiste, qui doivent être correctement calés à la fois en position relative par rapport au végétal et en pression du souffle.

Le succès qu’il rencontre l’étonne lui-même. Et comme il s’agit là d’une pratique qui ne s’apprend pas plus dans les livres que la danse, c’est au cours d’ateliers qu’il transmet le savoir qu’il a réussi à reconstituer. Au cours desquels il n’hésite pas à mettre en scène des facéties : ne dit-on pas d’ailleurs « jouer » de la musique ? C’est d’ailleurs ainsi qu’à Nantes il transmettra son savoir et, précise-t-il, les parents se font autant piéger que les enfants : au bout de dix minutes, tout le monde est qui avec sa feuille, qui avec son brin d’herbe en train de tenter de le faire chanter du mieux qu’il peut. Et, dans les semaine qui suivent, viennent les demandes de précisions des uns ou les astuces des autres. Signe que tout un patrimoine est en train de se reconstituer...

Le festival "Eurofonik"

Pour sa première édition, le festival Eurofonik [2] de Nantes a convié les plus grands noms des musiques traditionelles vivantes européennes. On y trouve par exemple Denez Prigent, un chanteur bretonnant qu’on ne présente plus, Katia Guereiro, lauréate 2010 du prix de la meilleure interprète de fado et qui est récemment passé à l’Olympia, ou encore Erwan Keravec, qui a ouvert le festival « in » d’Avignon au son de sa cornemuse dans la cour d’honneur du Palais des Papes.

Et si d’autres artistes pratiquent une musique plus pointue ou difficile, à l’intention de la jeunesse, il n’en reste pas moins que ce festival est d’abord rassembleur, qui comporte même des bals où il est possible de venir en famille. RCF national ne s’y est pas trompé, qui lui consacrera une chronique.

Notes

[1] Jean-Yves Bardoul, Bain sur Oust, 02 99 91 76 37. À « Eurofonik » le 31 mars, dans l’espace « La Cité d’Eurofonik ».

[2] « Eurofonik, musique des mondes d’Europe », samedi 31 mars de 15 heures à 1 heure à La Cité, le centre des congrès de Nantes, 5, rue de Valmy, 44000 Nantes, tél. : 02 51 88 20 00. www.eurofonik.fr


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