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Musique et vie érémitique

vendredi 18 janvier 2008, par Pierre François


Quand un musicien fait un passage par la vie érémitique sans l’avoir choisie, que se passe-t-il ?

Il s’appelle Wang Li et sera une des figures majeures du festival Planètes musiques 2008, consacré aux « nouvelles musiques traditionnelles » [1]. Aujourd’hui, ce n’est qu’indirectement qu’il s’exprime sur sa musique. En effet, lorsque Wang Li est arrivé en France, en rupture de ban de son pays et de l’enseignement sévère et sclérosé qu’il y recevait, il a été hébergé quatre ans au séminaire d’Issy les Moulineaux. Sa seule vocation était d’avoir besoin d’un toit. Sa vie érémitique en ce lieu a-t-elle influencé sa musique ?

Avant d’arriver en France, Wang Li jouait peu de musique et uniquement en autodidacte. Il avait ainsi touché la guitare et la basse. Mais très peu la guimbarde, son instrument actuel. Ce perfectionniste fait en immigrant il y a sept ans connaissance avec les sentiments qui agitent tout exilé : croyant se trouver en échappant à son pays il ne se retrouve pas plus dans sa société d’adoption. Il est dans cet état d’esprit lorsqu’il débute son séjour à Issy. Il se sent même aussi inutile dans la société que dans la vie

Il remarque rapidement que l’ambiance du séminaire n’est pas la même qu’en ville. Alors qu’il n’a jamais pensé devenir moine, il est frappé par le silence et sa valeur. Il va même l’aimer. Ce qui était pour lui l’opposé de la musique en devient une composante, et aujourd’hui il remarque qu’à la fin de ses concerts il y a toujours un silence spontané. De même, le calme du séminaire crée une ambiance qui l’aide à cultiver sa patience et à développer sa capacité à rester longtemps dans cet état. État dont la valeur peut être multiple, du repos à la réflexion féconde en passant par tous les modes intermédiaires. C’est encore ce silence qui améliore son oreille. Et il peut même aller jusqu’à devenir un moyen de communication.

Pour lui, le séminaire a été « l’expérience la plus importante » de sa vie, lui permettant de devenir moins égoïste ou de réaliser qu’au lieu de se projeter dans le futur, il convient de réaliser que le futur est déjà dans le présent. Petit à petit aussi, il a fait connaissance avec l’extrême complication de cet instrument si simple qu’est la guimbarde, anche libre de laiton ou de bambou, descendante de l’arc musical et parente des harmonica et accordéon.

On ne saura pas en quoi ce séjour a changé sa musique dans la mesure où il a coïncidé avec le passage d‘une pratique débutante de musique rock’n roll à la guitare à un apprentissage sérieux de la guimbarde en lien avec des airs traditionnels. Toutefois, il note lui-même qu’il est alors passé d’un esprit superficiel distrait par les sollicitations urbaines à la réalisation du fait que le silence, tel les tours de cloître des clercs, n’est pas répétition mais approfondissement. Enfin, si ce séjour lui a permis de « passer de la jeunesse à l’âge adulte », il l’a aussi aidé, en s’améliorant, à offrir au public un meilleur instrument, la caisse de résonance (chantante en ce qui le concerne) de la guimbarde étant son propre corps.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] qui démarrera dès début février à la Maison de la Musique de Nanterre pour courir jusqu’en juin à travers tous les lieux partenaires de la Fédération des Associations de Musiques et Danses Traditionnelles. Wang Li a par ailleurs un site personnel : http://aspiration.free.fr


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