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Livre : Manuel de survie spirituelle dans la globalisation

vendredi 18 janvier 2008, par Pierre François


Le réchauffement climatique dû à l’activité humaine fait de notre aptitude à nous entendre collectivement une question de vie ou de mort. Un espoir est-il encore possible ? Pour Didier Long, si l’état de fait doit être vu en toute lucidité, les moyens de s’en sortir existent, et sont d’abord de nature spirituelle.

Dans ce « Manuel de survie spirituelle dans la globalisation » et en 229 pages l’auteur, athée à 17 ans, bénédictin durant dix ans, maintenant chef de famille et d’entreprise, cherche à répondre à la question : comment être heureux dans notre monde globalisé ? Didier Long, qui a déjà écrit « Défense à Dieu d’entrer » (Prix Maisons de la presse 2005) et « Pourquoi nous sommes chrétiens », se retrouve publié dans la nouvelle collection « Forum » des éditions Salvator. Laquelle a pour vocation de « nourrir la rencontre et la controverse en accueillant des auteurs… qui s’efforcent de mettre à distance les a priori, les certitudes et les idées toutes faites ». On est prévenu.

Et pas déçu : le livre est puissant dans ses raisonnements, très bien construit et instructif jusque dans les anecdotes illustratives qui le parsèment. On note également que la complexification croissante des idées avancées est atténuée par un style de compagnonnage (il tutoie parfois le lecteur). Le premier chapitre est-une immense et savoureuse antiphrase servant à planter le décor. La seconde étape montre comment la globalisation est une révolution qui a commencé… avec l’extension de l’ordre clunysien. On sent la culture monastique de celui qui a acquis à l’ombre d’une vie réglée et la connaissance et un regard distancié sur le monde. Selon lui, le drame du siècle des Lumières est d’avoir voulu faire de la raison une religion devant évacuer toute notion de sacré : ceux qui ont avancé sur ce chemin ont transformé l’homme en animal marchand sans référence éthique, cette dernière prenant toujours cohérence dans une culture et une religion. Et même si le capitalisme a d’abord été le fruit d’une éthique protestante, la « main invisible » d’Adam Smith n’est plus qu’une naïveté à l’heure où le capitalisme est devenu spéculatif à un point où les ordres d’achat sont pris par des ordinateurs en fonction d’algorithmes. Tel est l’état de fait. Si l’auteur ne tranche pas entre la possibilité d’une guerre des cultures-religions ou une Pentecôte nouvelle commune à tous les croyants emmenés par leurs têtes chercheuses mystiques, il note que le préalable nécessaire du retour du religieux est partout présent sauf en Occident. Nécessaire, car ce sont les religions qui vont poser de nouvelles règles morales, plus fondées sur l’idée d’interdépendance que sur des interdits devant assurer la survie d’un groupe face aux autres.

Enfin, il suggère l’utilisation de quelques outils pour basculer plus facilement du côté de la grâce : chercher à vivre les Béatitudes, aimer concrètement, travailler pour maîtriser la terre sans dominer autrui (ce qui se fait sur les sites Internet « contributifs » ou dans le monde du logiciel « libre »), éduquer, contempler, avancer vers une Jérusalem céleste sans syncrétisme mais qui permette à toutes les religions d’apporter leur pierre à l’imbrication de plus en plus intime de la Cité céleste à la Cité terrestre. Le tout sans asséner de vérité, mais avec lucidité (« si la raison laïque (à laquelle j’adhère !) veut rester crédible, elle ne peut pas faire l’économie d’une réflexion sur son ouverture transcendante ») et humilité : « je sais à quel point ces idées peuvent sembler « bizarres » mais je ne vois pas, d’un point de vue croyant, ce que pourraient signifier les milliards d’expériences spirituelles d’autres religions si nous ne leur accordons pas une valeur originale, authentique et unique ».

On est fasciné par la façon dont l’auteur met en relation Epictète, Max Weber, Dietrich Bonhoeffer, Jacques Attali et tant d’autres. Au premier rang desquels il faut nommer Saint Augustin si souvent cité et Theilhard de Chardin, qui inspire sa vision de la globalisation comme une des étapes de la noosphère du « Phénomène humain ». On est par contre étonné de ne pas voir apparaître Maurice Zundel, tant il y a des points de contact évidents avec cet auteur, notamment sur la question de la morale et la vision augustinienne positive de la vie.

Pierre FRANCOIS


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