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Francophonie : Le français de Vauban

samedi 28 avril 2007, par Pierre François


Les éditions Scala et Guillaume Monsaingeon publient à l’occasion de son tricentenaire : Vauban, un militaire très civil. C’est une sélection de cent cinquante courriers de l’homme, regroupés par thèmes. Quoique le texte soit en français contemporain, il fait mémoire d’expressions ou de mots qui ont disparu ou évolué.

Si Vauban confesse écrire mal et si parfois certaines expressions sont surprenantes, d’autres ravissent tout esprit curieux de connaître les évolution de notre langue.

On me jette le chat aux jambes [1] écrit-il pour dire qu’on le met dans l’embarras. Et quand il craint que la France ne soit victime d’une paix fourrée [2], le dictionnaire de l’Académie de 1694 nous apprend qu’il s’agissait d’une réconciliation feinte.

Il lui arrive de se plaindre de ce qu’on ne le menace pas de poires molles [3], litote agricole que l’on retrouve sous la plume de Molière ( … la dureté de votre âme, qui par ses continuels dédains, ne me promet pas poires molles, La Comtesse d’Escarbagnas). Toujours dans le domaine rural, mettre aux champs [4] est une expression dont on apprend qu’elle signifiait alors mettre quelqu’un en colère ou en crainte.

Plus urbaine est la formule homme à bien tenir son coin [5], pour quelqu’un qui sait rester à sa place, en référence au jeu de paume, comparable ici à une partie de tennis en double.

D’autres expressions ont évolué. Sa fille lui parle de gens qui sont noirs comme des charbons [6] pour dire combien ils sont peu recommandables. De la même façon que cette expression a disparu pour nous en laisser une voisine, noircir le tableau, la phrase il ne saurait tomber que debout [7] se dirait aujourd’hui : retomber sur ses pieds.

Les mots n’échappent pas non plus aux glissements de sens. Parfois léger, comme dans : j’ai une grande démangeaison de babiller un peu là-dessus ; mais comme cela est gaillard et que vraisemblablement je pourrai avoir l’honneur de vous voir… [8]. Parfois plus net, et c’est le cas de procurer un abonnement [9], qui est arrivé au sens actuel de service régulier parce qu’à l’origine il s’agissait de cultiver une bonne terre pour en tirer périodiquement un revenu fixe, ce qui est le projet de Vauban pour les villes de Fécamp et Saint-Valéry.

Notons encore l’utilisation du mot recousse [10], apparenté à notre rescousse, avec le sens, toujours actuel, de reprise d’un butin ou de délivrance d’un prisonnier très rapidement après la première prise.

Mais lire la correspondance de Vauban, c’est aussi se familiariser avec un style, celui du grand siècle, sans avoir à faire d’effort de traduction, les éditions Scala [11] ayant pris le parti de moderniser le vocabulaire.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] 26 avril 1697

[2] 12 septembre 1706

[3] 26 avril 1697

[4] 9 novembre 1702

[5] 27 février 1674

[6] 14 juin 1702

[7] 26 novembre 1704

[8] 23 juillet 1703

[9] 19 février 1697

[10] 27 février 1674

[11] Vauban, un militaire très civil, lettres présentées par Guillaume Monsaingeon, éditions Scala.


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