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Comédie musicale : Hair a 40 ans

jeudi 26 février 2009, par Pierre François


En remontant cette comédie musicale [1], Ned Grujic, metteur en scène, veut retrouver l’esprit humaniste de l’original, mais débarrassé des allusions au Viet-Nam ou de la promotion du hashish (la chanson y faisant référence a été supprimée), non pas reconstituer le spectacle original mais le transcrire. Pour lui, les points encore actuels concernent les revendications « pour la paix et le fait d’assumer ce que l’on est ». Son propos n’est pas de monter un spectacle hippie mais, par exemple, d’introduire des couleurs et formes actuelles dans les costumes. Les chansons, quant à elles, n’ont « rien perdu de leur acuité, de leur puissance quasiment mystique », même si les arrangements sont plus modernes. Quant au message sexuel, il est désormais « bon enfant, encourageant plus à s’assumer qu’à provoquer ».

L’un des chanteurs-danseurs, Marc Beaujour, met déjà en place les chorégraphies d’une troupe de la banlieue parisienne, NCC Gospel, qui se produit à la demande. Il a joué dans le spectacle du « Roi Lion » qui se donnait à Disneyland, ce qui lui a permis de retrouver ses racines africaines. Avec « Hair », ce danseur qui explique ne pas pouvoir aller régulièrement « louer Dieu à l’église » du fait qu’il travaille souvent le dimanche, est heureux de pouvoir participer à la « dénonciation des guerres mais, ajoute-t-il, il est important de donner une lueur d’espoir en favorisant le dialogue ».

Après l’avoir vu, que dire de ce spectacle qui adapte celui d’il y a quarante ans aux modes rock, modern jazz, hip-hop, funk ou gospel ? Dans des lumières absolument magnifiques et un décor d’une sobriété exemplaire les quatorze comédiens et comédiennes s’approprient harmonieusement l’espace, sans créer aucune monotonie du fait que quand l’un est mis en vedette il reste en même temps en dialogue avec l’ensemble des autres membres de la troupe. Les scènes dans lesquelles les comédiens deviennent des marionnettes sont particulièrement bien réussies. Par ailleurs, on note l’actualisation de la pièce, qui ne compte plus que deux scènes de nu et multiplie dans sa seconde partie les allusions à l’actualité, y compris récente.

La première partie est nettement plus datée. En entendant le premier air revendiquant la liberté sexuelle, on se demande en effet quel prêtre aurait aujourd’hui « peur » des mots de « fellation » ou de « sodomie », on est choqué (après les affaires de pédophilie) par la promotion de la « pédérastie » et on se demande quelle tête vont faire les militants de la lutte contre le sida en entendant « entrons tous unis dans l’orgie ». Mais il est clair que ces références à la liberté sexuelle n’ont plus rien d’une lutte contre la morale, il s’agit plutôt d’une posture libertaire dans une société analysée comme de nouveau bloquée.

Certes, ce spectacle pratique un antimilitarisme et un anticléricalisme certains à travers un message indigent. Ceci étant admis, il faut reconnaître qu’entre deux mimes (tout aussi comiques qu’explicites) d’actes sexuels cette comédie musicale est capable de pratiquer l’autodérision : ainsi entend-on une comédienne expliquer qu’elle doit « propager la révolution zen » tout en ajoutant qu’elle se partage entre deux partenaires. De plus l’anticléricalisme, qui aboutit notamment à donner des apparences d’anges à des personnes défendant l’ordre pour l’ordre, ne signifie pas pour autant l’absence de foi : « je crois en toi et je sais que tu crois en moi » est-il dit plusieurs fois au cours de la pièce.

Oui, il faut une certaine dose de bonne volonté pour discerner ces points positifs au milieu de ce qui a l’apparence, intellectuellement parlant, d’un magma allant de la mièvrerie à la critique primaire de toute structure, mais ils existent, et ce spectacle est la butte témoin d’une certaine idéologie dans sa première partie et son prolongement actualisé dans sa seconde.

Enfin, même si l’allusion de la dernière scène à la chute du mur de Berlin n’est pas très explicite, ce spectacle est musicalement et visuellement parfait, au point qu’aucun spectateur n’a pu remarquer de flottement dans le jeu de la troupe après le malaise dont a été pris une des comédiennes dès le début de la générale de presse.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] Hair, the american tribal love-rock musical. Livret et paroles de Gerome Ragni et James Rado, musique de Galt Mat Dermot, production originale à New-York de Michael Butler. Avec Fabian Richard, Liza Pastor, Laurent Ban, Melusine, Antoine Lelandais, Marc Beaujour, Tiphanie doucet, Billy Tran, Magali Bonfils, Yoni Amar, Daniel Delyon, Julia Giamette, Yvana Verbecq, Caroline Bal. Mise en scène de Ned Grujic, Chorégraphie de Raphaël Kaney-Duverger. Au théâtre Le Trianon, 80, boulevard de Rochechouart, Paris-18e, M° Anvers, du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 15 h 30. Places à 52,80 €, 41,80 €, 27,50 €, étudiants et chômeurs : 15 €. Tél. : 01 44 92 78 04.


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