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Chers e-cartables

mercredi 22 novembre 2006, par marvel


Avec la décentralisation, les collectivités prennent de plus en plus de poids dans la gestion de l’école. Et réciproquement, le monde scolaire est une charge importante pour les finances locales. Théoriquement les collectivités n’apportent que des moyens tandis que l’État finance les professeurs et assure donc le contrôle de la pédagogie.

Les technologies de l’information permettent aux collectivités de soutenir l’activité scolaire d’une manière moderne, parfois originale, et en tout cas plus communicante. S’il est maintenant courant que l’équipement réseau et informatique des établissements soit lié à des dotations locales (de la commune pour les écoles, du Département pour les collèges et de la Région pour les lycées), on voit de plus en plus de projets éducatifs importants à l’initiative des collectivités.

Ainsi, on a vu depuis 5 ans plusieurs déploiement massifs d’ordinateurs portables auprès de collégiens. A l’instar du Maine au USA qui le premier a mené une telle opération, le département des Landes a dégainé le premier. Et, sous l’impulsion de son président, Henri Emmanuelli, il a doté tous les élèves de 3e et leurs professeurs d’un ordinateur portable, dès 2001. Le projet n’a visiblement pas été simple à mener à bon port. Il a été en partie financé sur la réserve parlementaire, puis il y a eu des relations très très tendues entre le rectorat et les services du département. Beaucoup de communication au début, et des bilans finalement assez mitigés.

Les Bouches du Rhône ont suivi le mouvement, et l’opération Ordina13 a consisté a doter tous les élèves de 3e et de 4e d’un ordinateur portable. 60000 portables ont ainsi été distribués pour un budget d’environ 60 millions d’euros. Avec moins de 20% de casse et moins de 2 % de vol, cela fait donc moins de 12 millions d’euros de jetés par la fenêtre par an... Mais bon, pour aller au bout du projet, les Bouches du Rhône ont décidé de donner le portable à chaque élève qui quitte la 3e, et devront donc en racheter 30 000 par an.

D’autres opérations de moindre envergure ont eu lieu ça et là (Rennes, Isère) etc.

Le bilan global de ces projets est assez catastrophique. A part l’effet d’annonce à la mesure de l’argent engagé, on voit mal le bénéfice global de ces projets.
- D’un point de vue pédagogique, c’est du côté des enseignants qu’il faut travailler pour inventer des utilisations vraiment novatrices et à valeur ajouté du numérique. Cela n’a pas été fait véritablement dans ces deux cas, et vu le rythme de l’innovation pédagogique, il faut attendre plusieurs années avant de savoir véritablement ce qui peut marcher et se généraliser. A ce sujet, une amie qui assistait aux dernières rencontres de l’Orme a été témoin d’une scène suréaliste où un élu des Bouches du Rhône découvrait que le déploiement de machines avait été accompagné de très peu d’acquisition de contenu ou d’accompagnement pédagogique.

- Les jeunes se servent de ces portables pour télécharger des films, chatter et éventuellement faire du travail scolaire. Ils auront au moins appris à craquer les bridages que les conseils généraux auront mis sur ces machines comme les sites spécialisées le leur explique.

- Quand à briser la "facture numérique", on sait bien que ce n’est pas une question de moyen mais d’accompagnement parental. Les catégories sociales les plus en difficulté sur le plan scolaire et éventuellement sur le plan financier investissent toujours sur des équipements technologiques donnant un statut social (un cousin travaillant avec les réfugiés politiques a pu constater que leur premier est un écran plat de télévision de dernière génération). Par contre ce qui manque c’est un implication des parents dans l’apprentissage des enfants. Et ce n’est pas parce que le gamin de 14 ans se retrouve propriétaire d’un ordinateur portable que cela va restaurer l’autorité parentale et impliquer d’avantage les parents dans le suivi scolaire, au contraire.

Je pense que les décideurs politiques sont tout simplement mal conseillés par des technologues. Il suffit de voir le lobby que font les sociétés informatiques auprès des parlementaires un peu ouverts sur leur sujet pour comprendre que les importants investissements publics dans le numérique ne sont pas perdus pour tout le monde.

Les politiques voient aussi dans le numérique, un moyen de reprendre un peu la main sur le monde éducatif. Si les environnements numériques de travail (cartables virtuels sur Internet) sont portés par le ministère, c’est par ce que cela devrait permettre aux parents de mieux contrôler l’école et de mieux voir ce qui s’y passe. C’est donc éminemment politique.

Bref il serait dommage que ces luttes de pouvoir et ces gabegies ternissent le rôle de l’informatique à l’école qui peut être très enrichissante à condition de rester à sa place. Comme outil de créativité, d’ouverture de l’école sur le monde, d’apprentissage collaboratif, de simulation, l’ordinateur est imbattable. Mais on ne doit pas oublier qu’au coeur de la pédagogie, il y a la relation maitre-élève que rien ne peut remplacer.

Marvel


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