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Théâtre : L’Amant, d’Harold Pinter

vendredi 13 avril 2012, par Pierre François


« L’Amant » [1], d’Harold Pinter, est une pièce fidèle au style de l’auteur. Il est de ceux qui sont capable de prendre la main de la personne la plus raisonnable qui soit et de l’emmener sans réticence dans un monde étrange qui paraît sur le moment complètement logique, jusqu’à une chute inattendue. La partie la plus visible de la recette consiste en ce mélange entre une forme – en particulier dans le vocabulaire utilisé – complètement classique, voire banale, et un fond – ici de vie extra-conjugale – qui l’est beaucoup moins. Ici, en effet, la femme reçoit son amant au domicile commun au su (à défaut du vu) de son époux qui ne s’en émeut pas plus que cela. Et, passé lest trois premières minutes d’étonnement et d’adaptation, on se laisse prendre dans une logique qui apparaît d’autant plus crédible que les réactions de l’homme et de la femme sont finement mises en valeur. Un homme qui a remplacé la jalousie par une exigence de clarté et de sincérité, une femme qui admet bien que son époux lui rende la monnaie de sa pièce mais moins bien que cette fréquentation n’ait aucune connotation intellectuelle, ce sont des ressorts qui rejoignent parfois la réalité.

Le talent des comédiens et une mise en scène qui cultive le mystère, mais juste le temps nécessaire pour installer une atmosphère, font le reste.

En effet, au début de la pièce un tic-tac d’horloge et une musique font à la fois sentir le temps qui s’écoule et une ambiance étrange autant qu’indéfinissable. Arrivent les comédiens qui jouent un dialogue surprenant (prise de nouvelles de la relation avec l’amant, demande de l’horaire auquel il faut arriver le lendemain pour les laisser tranquilles) face public au lieu de se regarder normalement, ce qui entretient le côté quasi-fantastique de l’ambiance.

Puis le jeu devient classique – dialogues face à face, intonations naturelles – et les rares accessoires – ponctuellement deux tabourets ou un drap rouge – nous font glisser dans cet univers et admettre comme normales les évolutions de la relation entre cette femme et ses hommes. Pour être complètement honnête, avouons que la clé de la pièce nous effleure fugitivement en milieu de pièce, mais le jeu des comédiens reprend immédiatement le dessus et nos emmène jusqu’à une dernière scène qui va révéler la vraie nature de ces amours tout en faisant immanquablement penser à cette phrase de Sacha Guitry disant qu’il faut sans cesse avoir le souci de reconquérir sa propre femme.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « L’Amant », d’Harold Pinter, trad. Gérard Watkins. Avec Laurent Schteiner et Fabienne Alice Dubois, mis en scène par Alexandra Dadier. Les vendredis et samedis à 21 h 30 à jusqu’au 2 juin à l’Aktéon théâtre, 11, rue du général Blaise, 75011 Paris, tél. : 01 43 38 74 62.


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