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Théâtre : C’est pas la fin du monde

vendredi 31 mai 2013, par Pierre François


« C’est pas la fin du monde » [1] est une pièce jouissive qui raconte la vie de quatre personnages et procède par brèves touches successives. Les tableaux se succèdent, mais seulement pour montrer les moments clé de ces existences à des intervalles complètement irrégulier et au moyen de scènes qui peuvent durer plusieurs minutes comme moins d’une.

Le texte révèle une faculté d’observation peu commune de notre humanité, et d’en enchâsser les caractéristiques dans des scènes révélatrices. Pas de jugement, pas de pathos non plus, on est dans une description aussi joyeuse que clinique de nos petites et grandes trahisons, des raisonnements théoriques que l’on tient sans être capable de se les voir appliqués (même si à froid on prétend le contraire).

Ce quatuor est composé de la sœur – qui a réussi professionnellement et a des enfants – de son mari – qui a aussi réussi –, du frère artiste – fauché, alcoolique et aux raisonnements difficiles à suivre – et de l’ex-compagne dudit frère. Les trois premiers sont associés – parfois tel l’eau et le feu – par leur ego, la troisième est lucide sur elle-même et sur ses failles. Le mari est sur une trajectoire sans surprise – il a envoyé le spi, fonce vent arrière à la vitesse de sa réussite sur les récifs que la crise financière met sur son chemin et virera lof pour lof trop tard – quoique touchante et juste, tandis que les autres mènent une vie en zigzag, tirant des bords face à un vent tournant.

Sans doute est-ce pour cela, sans doute est-ce à cause du talent indéniable de la comédienne à jouer la panique, les bégaiements ou la stupeur, on se sent immédiatement en empathie avec la seule qui sache se regarder sans concession, elle qui veut changer le monde tout en étant consciente du coté dérisoire de son militantisme associatif pour recycler le petit électro-ménager.

Ce qui n’empêche pas de croire complètement aux autre personnages – c’est d’ailleurs simple : on croit à tous dès la première seconde et sans interruption jusqu’à la fin – et à la vérité des sentiments qui les animent, mais avec une petite distance, comme si on vivait avec la première tout en observant les autres.

Quelque scènes sont particulièrement savoureuses dans ce vaudeville généralisé mais très intelligent, qui interroge notre époque et l’importance de ses valeurs au rythme des conversations au téléphone portables ou des coups de sonnettes à la porte. On pense à ces discussions « entre femmes » ou au quiproquo au sujet d’un mot d’amour, par exemple. Faut-il vendre la maison en Bretagne ou construire devant sa façade une piscine pour éviter l’eau à 16° de l’océan tout proche, telle est la question qui va catalyser une cascade d’évènements aussi drôles que bien vus ?

Pierre FRANÇOIS

Notes

[1] « C’est pas la fin du monde », de et mis en scène par Carlotta Clerici. Avec Anne Coutureau, Pierre Deny, Emmanuel Depoix, Sophie Vonlanthen à la Manufacture des Abbesses, 7, rue Véron, Paris 18e, du jeudi au samedi à 21 heures, dimanche à 17 heures jusqu’au 23 juin. Tél. : 01 42 33 42 03.


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