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Théâtre : L’Ecole des femmes

jeudi 19 septembre 2013, par Pierre François


Dans « L’École des femmes » [1], Molière garde la structure de la farce mais donne une vraie psychologie à ses personnages. Et, sous couvert de faire rire, pose la question de savoir si l’ignorance des choses de la vie rend les jeunes plus vertueux. En termes modernes, on parlerait de surprotection et de morale sexuelle.

« L’École des femmes » est la première vraie pièce de Molière, après une série de farces. C’est aussi la première attaque, à fleuret moucheté, contre le parti des dévots. Enfin, elle met en scène un alter ego de l’auteur : Arnolphe veut se marier à quarante deux ans avec une jeunesse qu’il a tenu sur ses genoux, comme Molière le fit, et la pièce est écrite précisément l’année où notre Poquelin national convole.

Construite comme une alternance de monologues et de dialogues, la pièce tente de résoudre la question de savoir si le fait de se marier avec une idiote constitue une garantie pour ne pas devenir cocu.

Autour du texte, Philippe Adrien a créé une mise en scène qui allie les modes clownesques et oniriques, fantastiques et ironiques, tout en faisant éprouver la plus grande tendresse pour des personnages qui se débattent dans leurs contradictions. Arnolphe – saint Arnolphe était le patron des maris trompés et notre personnages central n’est qu’une recrue de plus dans la cohorte de ceux qui veulent utiliser la religion pour venir au secours d’une morale qu’ils devinent inadaptée à la nature humaine, donc condamnée à terme – est touchant dans sa façon d’aimer, voulant toujours immédiatement recevoir un retour sur l’investissement qu’il fait sur autrui. La fraîcheur d’Horace, qui n’est pas de la naïveté, alliée au dynamisme de sa jeunesse, émeut également. Agnès, l’air de rien, garde jalousement son mystère. Il est vrai que les autres personnages sont plus univoques – on ne parle même pas de Georgette et Alain, la servante et le jardinier, qui jouent dans le registre de la pure farce – et si le rôle du notaire incarne la folie de celui qui est obsédé par les arcanes techniques de son travail au point que cette scène en devient un régal, celui de Chrysalde reste celui d’un simple faire-valoir, tout plein de bon sens qu’il soit.

La mise en scène rend également bien compte de la critique que Molière fait de la conception morale rigoriste en vogue au lendemain de la Contre-Réforme. De même que l’auteur présente les devoirs du mariage sous la forme – à défaut de citer exactement le fond – des canons conciliaires et préfigure dans sa dernière scène la vision de monde de Leibnitz telle que dénoncée dans « Candide », le metteur en scène fait des pères des tourtereaux des Amish, histoire de faire partager sa conviction : Agnès échappe à une prison et un mariage forcé – ceux-ci étaient alors si fréquents que le Concile de Trente a dû les condamner – mais ne va-t-elle pas trouver pire ?

Pierre FRANÇOIS

Notes

[1] « L’École des femmes », de Molière. Avec Patrick Paroux, Valentine Galey, Pierre Lefebvre, Joanna Jianoux, Gilles Comode, Pierre Diot, Raphaël Almosni, Vladimir Ant, mis en scène par Philippe Adrien. Du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 16 heures jusqu’au 27 octobre à La Tempête, Cartoucherie, route du champs de manœuvre, Paris 12e, tél. : 01 43 28 36 36, www.la-tempete.fr


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