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Musique : Vingt ans pour « Les Tambours de Brazza », et un album...

jeudi 17 janvier 2013, par Pierre François


« Les Tambours de Brazza » sortent un nouvel album et annoncent un concert puis une tournée [1].

« Les Tambours de Brazza », c’est ce groupe de musiciens danseurs congolais qui ont su allier les airs traditionnels africains avec différentes tendances de la musique occidentale : le chant religieux appris dans les chorales paroissiales pour Émile Biayenda, le fondateur du groupe, mais aussi les traditions avec lesquelles chacun est venu s’agréger, du R&B à la trompette jazz en passant par le violon classique.

Comment créer une unité musicale entre toutes ces écoles, même si la sensibilité est commune ?

Le premier moyen a été de se replonger dans la liturgie traditionnelle, au cœur de laquelle le tambour ngouri ngoma (« la mère, le soliste ») est le maître de cérémonie. Il improvise sur un son très profond, proche de la contrebasse et plein d’harmoniques. Lorsqu’il joue, personne n’a le droit de chanter ou danser sans son accord ou son invite. Le deuxième tambour – tambour muana ngoma (« le fils ngoma », ngoma signifiant « qui donne la force de la panthère ») – crée un thème à partir du rythme donné par le troisième. Et ce dernier – le kidoukoulou – soutient la structure rythmique du morceau, sa partition répétitive pouvant amener à la transe (ce qui n’est évidemment pas le cas dans l’album qui mixe cette influence avec d’autres). Reprendre ce schéma permet de structurer un concert. Pour ce qui concerne Émile, il a passé six mois en immersion totale chez les Pygmées, ethnie dans laquelle tout se dit en polyphonie à la structure savante et complexe mais simple et agréable à l’écoute ; il reprend donc aussi cette influence ainsi que celle de la culture bantoue.

Le second moyen a été de constituer une chaîne entre différents instruments proches les uns des autres et permettant à chacun d’exprimer son répertoire traditionnel. Ainsi, le tambour va inviter la batterie à s’exprimer, laquelle va faire le lien avec la guitare, qui va être complétée par le piano, lequel appelle naturellement la présence du violon. Reste ensuite à permettre à chacun de parler son langage tout en dégageant ce qui est commun à tous.

C’est ainsi que « Les Tambours de Brazza » est devenu le premier ensemble à fonctionner en big band, et certains de leurs morceaux des standards en Afrique. Ils ont aujourd’hui vingt ans et leur histoire est aussi mouvementée que celle du Congo Brazzaville : la guerre civile de 1995 à 1997 provoque l’exil et l’éclatement partiel du groupe, d’abord à cheval entre la Namibie et le Congo puis au Bénin et enfin en Europe.

Du point de vue de l’esprit de ces musiciens inventifs aux rythmes vigoureux et entraînants, ils se définissent comme faisant partie de la « génération Sankara ». Ce militaire idéaliste issu d’une famille catholique et considéré comme le Che Guevara africain fut brièvement président (1983 – 1987) de la Haute Volta (dont il changea le nom par Burkina Faso : « pays de l’homme intègre ») est, aux yeux de ses contemporains, le successeur spirituel de Lumumba. Pas étonnant donc que des artistes et la partie de la population qui a besoin d’un modèle refusant les influences extérieures trouvent en celui qui a dit non aux logiques politiques machiavéliques un modèle qui les conforte dans leur désir de dénoncer les dérives et violences qui affectent l’Afrique pour aboutir à un monde meilleur.

Le Catholicisme au Congo

Émile est bien placé pour rendre compte de la pratique religieuse au Congo : son oncle fut cardinal et lui-même a appris la musique dans les chorales paroissiales. Il observe que si le Congo est catholique à 80 %, le syncrétisme est encore présent. On trouve par exemple des amulettes et autels des ancêtres jusque dans certaines églises. Et si le mot de « Dieu » reste le même dans les religions animistes et catholiques, les ancêtres sont souvent assimilés aux saints ou le totem à l’ange gardien … Par ailleurs, s’il se pratique de façon plus secrète qu’au Bénin, le vaudou existe aussi au Congo et on peut assister à un sacrifice du coq aux ancêtres doublé d’une prière à Dieu dans le même temps.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] Album Sur la route des caravanes, sortie le 28 janvier chez Buda musique – Universal. Concert le 1er février au Trianon, 80, bd de Rochechouart, 75018 Paris, tél. : 01 48 57 51 48, www.maitemusic.com. Tournée à Eysines-Le Vigean le 25 avril, Auxerres le 26 avril, Vincennes le 31 mai... et toutes les dates en projet.


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