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Communication facilitée : un nouvel espoir

jeudi 29 janvier 2009, par marvel


Élisabeth est une jeune femme de quarante six ans qui a malheureusement souffert de lésions cérébrales. Celles-ci lui ont infligé un lourd handicap depuis son plus jeune âge : elle ne peut pas parler, elle ne peut contrôler ses muscles et est donc en fauteuil roulant et dépendante. Les professionnels qui s’occupent d’elle ne sont pas certain qu’elle puisse exprimer un oui ou non en réponse à une question qu’ils lui posent, de par sa difficulté à contrôler son corps. Et pourtant, Élisabeth tient un blog qu’elle met à jour chaque semaine avec l’aide de sa sœur.

Ce miracle est possible grâce à la technique de communication facilité que sa sœur et elle ont découvert en 2000, permettant à Élisabeth de s’exprimer et de rompre des années d’incompréhension, de mutisme et de solitude.

Via des forums, j’avais déjà entendu parler de cette technique importée d’Australie comme un moyen utilisé pour faire communiquer des enfants autistes. Cela semblait soulever espoir et de nombreuses questions.

C’est donc avec plaisir que j’ai accepté la proposition de la sœur d’Élisabeth d’assister à un atelier de formation à la communication facilitée.

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Cet atelier était organisé par l’association DPVE (Doigt qui Parle Voix Ecrite [1] ) qui vise à former des familles à cette technique pour communiquer avec leur proche porteur d’un lourd handicap (autisme, cérébro-lésion...). 5 personnes porteuses de handicaps étaient présentes, accompagnées d’un membre de leur famille. Après les présentations d’usage (sachant que la plupart des personnes se connaissent visiblement depuis un moment), l’animateur explique la règle. Chaque personne handicapée, le facilité, sera aidé par un valide, le facilitateur. Ce-jour là on n’échangera pas ou peu les binômes, et les échanges seront centrés autour d’images et de photos. Devant chaque facilité se trouve un ordinateur portable, le facilitateur prend la main du facilité et guide les doigts vers le clavier pour composer des mots. Pour "faciliter", il faut faire le vide dans ses pensées et se mettre à l’écoute de motions intérieures, ou de mots qui viennent. Quand on en tient un (ou une phrase) on commence à la taper. Par moment, la main du "facilité" refuse d’écrit certains mots qui ne viennent pas de lui, ou au contraire insiste pour continuer d’écrire alors qu’on pense ne plus avoir rien à dire.

L’animateur présente une première image représentant un cœur rouge (ou un chaton, un oiseau sur branche, un couple de nounours ...). Chaque binôme écrit en silence. Au début j’ai du mal car je me fixe sur les lettres qu’il faudrait taper, quand on me dit de plutôt écouter des mots, cela vient plus facilement. Les images regardées donnent un cadre qui aident à trier ce qui vient et la main d’Élisabeth (car c’est elle que je facilite) me retient quand je pars sur mes idées au lieu des siennes.

Une fois que chacun a écrit une ou quelques phrases, on fait un tour de table. Chaque facilitateur lit le texte du facilité. Les réactions de ceux-ci à la lecture de leur prose est une véritable démonstration que ces textes viennent bien d’eux, ou qu’aux moins ils reflètent bien leurs sentiments intérieurs. Il y a là en particulier un jeune autiste qui vient pour la première fois. C’est absolument étonnant de constater comment, au moment où son texte est lu et accueilli, son attitude change : il cesse de fuir et de se protéger, ils nous regarde et s’ouvre, il s’apaise.

La plupart des textes sont dans le même registre : ils sont assez profonds et tournent autour des sentiments que suscitent ces images et de l’écho qu’elles trouvent chez les facilités. Les participants sont assez étonnés que j’y arrive du premier coup alors que d’autres personnes se forment et s’y essaient depuis des années. Mais je retrouve là une posture d’écoute intérieure que l’on a déjà dans certains types de prière d’intercession. Ceux qui sont familiers avec les paroles de connaissance ne seront pas dépaysés.

Vers la fin de l’atelier, je demande à être à mon tour "facilité" par l’animateur. Je veux prendre la place de quelqu’un qui ne peut pas communiquer. Je choisis une photo (une maison en pierre bien posée sur ses bases), puis on commence. J’essaie de me concentrer sur certaines idées que m’évoque cette photo pour les "communiquer" au facilitant. Je ne regarde pas le clavier mais me concentre sur l’image. Je le sens qui tape un long texte ; plus long que les quelques idées que j’essaie de lui faire passer.

Lorsque je relis le texte final que j’ai "écrit", je ne retrouve pas les phrases que j’essayais de lui faire passer mais par contre je retrouve un des sentiments qu’évoquait cette image, la sécurité, et je suis touché par le texte qui révèle un sentiment profond autour du lien entre la maison et le besoin de sécurité et d’ouverture. C’est exactement le genre de chose qui pourrait sortir d’une séance de kinésiologie où s’expriment des sentiments profonds qui nous habitent mais qui sont filtrés par notre conscience, voire retenus inconscients. Visiblement ce n’est pas le cerveau gauche (celui de la parole) qui communique avec le facilité, mais plutôt notre intuition, notre sentiment profond.

Je retrouve des fortes correspondances avec d’autres techniques comme l’écriture automatique ou la kinésiologie. Je pense que l’écriture automatique consiste elle-aussi à débrancher le cerveau gauche pour laisser venir les choses d’un peu plus loin, on utilise le même genre de canal (pour le facilitateur en tout cas) mais le problème c’est qu’on n’a pas le filtre de la main qui nous retient et qu’on peut donc aussi bien capter son propre inconscient que des motions qui viennent d’autres esprits. La kinésiologie est plus intéressante à comparer car elle aussi utilise le retour du corps (le blocage ou non de certains muscles) en réponse à une question pour la valider ou non. Nous faisons aussi appel à ce type d’empathie lorsque nous communiquons avec de tout jeunes bébés ou avec des personnes de langues étrangère : on ne comprend pas un mot de l’autre langue et pourtant nous nous comprenons parfaitement. De même pour le nourrisson, j’ai en mémoire un enfant de 3 mois à qui je parlais de son adoption qui est devenu instantanément grave et attentif à toutes mes paroles alors qu’objectivement ses neurones n’étaient pas assez connectés pour intégrer le langage articulé.

On pourrait bien sur objecter que tout cela n’est qu’imagination de la part du facilitateur, mais les réactions des différents facilités me confirment qu’il s’agit bien d’une vraie expression venant d’eux. Il ne s’agit pas d’un langage articulé, on capte leur sentiment profond sur un sujet et eux-même nous aident à le transcrire. Je voudrais étayer cela par un exemple concret. A un moment, j’ai changé de "facilité", et j’ai pris la main d’Alain. L’image qui nous était présentée était une mésange sur un fond de neige. Avec la main d’Alain, nous avons tapé un texte, j’écoutais les mots qui venait et les tapaient les uns à la suite des autres. Il me semblait que tout était dit, quand la main d’Alain insistait pour continuer. J’ai laissé couler les mots qui disaient " moi aussi je veux être libre comme cet oiseau". Pour moi cette image n’évoquait absolument pas la liberté et je n’aurais pas imaginé cette phrase. Ensuite quand nous avons lu les différents textes des facilités, tous parlaient de liberté. Et quand j’ai souligné le fait qu’Alain avait insisté pour écrire cette phrase précise, il a éclaté bruyamment de joie pour approuver.

La communication facilité me semble intéressante à plus d’un titre :

- tout d’abord parce que c’est un moyen exceptionnel pour donner une voix à des personnes qui en sont privées, leur permettre de s’exprimer, leur permettre de nous donner tout ce qu’elles ont à nous apporter.

- ensuite, cela change aussi considérablement le regard que l’on peut porter sur ces personnes : après les avoir lu, notre respect pour eux grandit profondément et il n’est plus question de les traiter comme s’ils n’étaient pas des hommes à part entière ( car malheureusement c’est ce qu’il y a derrière le terme de "demeurés" et tout ce que le handicap mental évoque) ou comme si nos paroles et nos actes n’avaient pas de conséquences pour eux.

- enfin parce que c’est un cadre empirique pour étudier et développer une nouvelle théorie des rapports entre la conscience et le cerveau. En effet, l’horizon indépassable des neurosciences françaises consiste à réduire la conscience au fonctionnement des neurones. L’activité neuronale serait l’unique cause émergentiste de la conscience. Si la communication facilité fonctionne, cela remet en cause ce modèle : comment mes neurones capteraient-ils l’influx des neurones d’Élisabeth via le toucher de nos mains ?

On est bien face à une sorte de télépathie, de transmission du PSY, et donc dans un modèle où le cerveau est l’antenne de la conscience mais pas son générateur.

Dans cette dernière perspective, il reste à établir une théorie du PSY et de trouver des protocoles pour la valider. Différents scientifiques sont sur cette piste, depuis les neuroquantologistes qui utilisent le formalisme de la mécanique quantique pour créer un modèle non déterministe et non localisé de la conscience, jusqu’au monde médical qui s’interroge sur les expériences de morts imminente ou sur l’impact des ondes électromagnétiques sur le cerveau.

C’est là la prochaine grande révolution de la science, je pense qu’elle sera franchie beaucoup plus rapidement que nous l’imaginons et que la communication facilité aura son mot à dire comme objet de validation scientifique.

Marvel

Notes

[1] dpve@laposte.net


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