Theatre, musique et journée de la femme : "J’ai trop trimé" et "Voix de femmes"

À l’occasion de la journée internationale des femmes, deux manifestations méritent d’être signalées. D’une part, une pièce de théâtre [1] qui prend le parti de ne pas prendre parti mais de transmettre le témoignage de cinq femmes. Pourquoi ces cinq-là alors que Nadine Jasmin, sociologue, en a recueilli beaucoup plus ?

C’est, explique Stella Serfaty, metteur en scène, que pour pouvoir passer au théâtre un témoignage doit à la fois être relativement fort et s’exprimer dans un style compatible avec la scène. Son critère de sélection, et elle le revendique, n’a pas été de défendre une thèse mais de dire comment diverses femmes ressentent le monde du travail. Il y a là une syndicaliste qui a fini par monter son entreprise, une étrangère, une archaïque et une dyslexique. Toutes ont en commun d’être traversées par un même personnage féminin : celle qui part du refus de tout par son milieu à la réalisation de son rêve.

Le public, pour Stella Serfaty, doit pouvoir rester autonome et utiliser ce qui lui est donné pour enrichir sa propre réflexion à partir de situations comme la réaction de l’autre face à la grossesse, à l’âge ou au machisme. Le signe qu’un schéma dominant est encore actuel se trouve dans quelques chiffres : les ¾ des acheteurs du spectacle sont des femmes (elle ne parle pas que des femmes précaires) et plus de 70% des directeurs de salles sont des hommes (à quoi on peut ajouter le fait que la garde des enfants n’est attribuée au père que dans 1/10 des cas : l’homme à la chasse et la femme à la caverne...)

D’autres femmes ont choisi de nous faire profiter de leur voix. En effet, la Maison de la Musique de Nanterre, aux mêmes dates, organise Voix de femmes [2], qui réunit des chanteuses hors pair du monde entier autour de styles très différents.

C’est ainsi que Donatienne Michel-Dansac, qui a triomphé l’an dernier à l’Opéra Comique dans « Les Boulingrin » s’exprimera en compagnie de son pianiste Vincent Leterme pour faire revivre l’ambiance cabaret de Paris et Berlin sur des musiques de Weill, Scotto, Poulenc, Schœnberg et de contemporains. Que Katia Guerreiro, qui a un talent tel pour le fado qu’elle l’a introduit dans des pays qui l’ignoraient jusqu’à présent sera aussi là. Que le trio Tzane, révélé par l’émission La boîte à musique, y donnera polyphonie, chants traditionnels balkaniques et morceaux de jeunes compositeurs. Enfin Souad Massi sera encore de cette fête – en création – avec sa musique capiteuse franco-arabo-berbère.

On est heureux de voir que la journée de la femme parle de et laisse s’exprimer des femmes au lieu de théoriser.

Pierre FRANCOIS