holybuzz
Accueil du site > Art et Culture > Théâtre > Théâtre : Yvonne princesse de Bourgogne

Théâtre : Yvonne princesse de Bourgogne

vendredi 25 novembre 2011, par Pierre François


« Yvonne princesse de Bourgogne » [1] est une ambiance avant d’être une histoire. Dans une atmosphère de fin de règne et de décadence, une jeune fille différente amuse puis devient le jugement vivant de ceux qui ont voulu s’amuser avec elle.

Si les costumes évoquent une période passée, les visages passés au blanc marquent bien l’intemporalité – l’actualité, donc – du propos. Parallèlement, les masques des comédiens, les yeux et lèvres noircis au milieu de leurs visages inexpressifs inspire l’anonymat, l’interchangeabilité des personnalités.

Le public est en début de spectacle invité à respecter l’étiquette et à faire la révérence à l’autorité souveraine du roi, tout ridicule qu’il soit.

Le jeu des comédiens est à la fois très théâtral et comique, la relation de cause à effet étant évidente tant la théâtralité de la vie de cour ne parvient pas à masquer la vacuité intellectuelle des responsables politiques.

La trame du récit est celle d’un prince héritier cynique (« Rien ne me rend plus grand que le malheur d’autrui ») qui décide d’épouser une fille muette et manifestement attardée, parce qu’elle l’ « agace tellement ». Par défi, il va l’imposer, avec ses manques de respect du protocole, à ses parents, au chambellan horrifié mais qui n’en laisse rien paraître et à la cour entière. Jusqu’au moment où il la rejette pour se livrer aux bras de la première Vénus venue. Ce Dom Juan de pacotille était-il las d’elle, des reproches de ses proches ou de lui pour agir ainsi ? Peu importe, c’est ici une ambiance et un processus qui sont mis en évidence : comment on peut, sans dire un mot, révéler autrui à lui-même et les conséquences qui en découlent.

Si le roi est dans un rôle de fat ridicule, qu’il tient parfaitement, la reine fait montre d’un caractère plus riche, louvoyant entre les exigences de l’étiquette, son amour filial et un désir de tout concilier. Le prince est tout en évolution (« - Vous partez ? - Faire un tour à deux en tête à tête, pour tomber ammoureux. »), miroir invisible de la jeune femme qui progresse dans ses capacités d’expression au fur et à mesure qu’elle s’attache à lui. Mais il n’a pas l’étoffe de devenir ce à quoi elle l’appelle silencieusement... La jeune femme, sans doute le rôle le plus difficile du fait qu’il est muet et qu’elle doit paraître idiote, évolue au bon rythme, sans accroc, faisant en sorte que le public se demande sans cesse si cette fois-ci elle va enfin parler.

Cette pièce agite donc plusieurs thèmes importants : l’infirmité (ou à tout le moins la différence), l’ordre social (« - Dieu soit loué, il est devenu fou ! ») et le pouvoir. Ils sont abordés avec suffisamment de légèreté pour qu’on ne les perçoive qu’à la sortie de la représentation. Le rythme est tenu d’un bout à l’autre. Le langage contemporain – mâtiné d’un style vieille France – rend le propos parfois burlesque parfaitement transposable.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Yvonne princesse de Bourgogne », de Witold Gombrowicz. Mise en scène : Anne Barbot. Avec : Aurélie Babled, Cédric Colas, Daniel Collados, Benoit Dallongeville, Alexandre Delawarde, Audrey Lamarque, David Lejard-Ruffet, Fanny Santer, Benoit Seguin, Marie-Céline Tuvache. Au théâtre Romain Rolland, 18, rue Eugène Varlin, 94800 Villejuif, Tél. : 01 49 58 17 00. Jeudi et vendredi à 20 h 30, samedi et lundi à 19 heures, dimanche à 15 h 30 jusqu’au 3 décembre. Métro ligne 7, arrêt Paul Vaillant Couturier.


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette