holybuzz
Accueil du site > Art et Culture > Théâtre > Théâtre : Victor Hugo irréductible

Théâtre : Victor Hugo irréductible

jeudi 26 novembre 2009, par Pierre François


Le génie de Victor Hugo est tel, et l’homme si complet jusque dans ses contradictions, qu’il est mis en valeur par toutes les mises en scènes, surtout si elles sont l’œuvre de ses aficionados.

En ce moment deux œuvres de ce géant sont adaptées pour le théâtre.

D’une part L’homme qui rit [1], très librement inspiré du masque de fer, est une méditation sur la vie dans une mise en scène qui rend aussi présente que prenante chaque syllabe de l’auteur. Le comédien entretient la solennité du ton, marque une emphase qui au début surprend, avant que l’on ne se laisse embarquer par un récit au suspense savamment entretenu. L’hyperbole du jeu met en valeur l’exhibitionnisme du romantisme, ici au début de la représentation proche des Contemplations. On croit jusqu’aux dispositions psychologiques qui traversent les personnages incarnés par ce solitaire qui, à la suite de Victor Hugo, décrit les richesses mentales de tout le genre humain. Les déplacements sont presque dansés. Le jeu se simplifie à mesure qu’on entre plus avant dans le récit. Les formules font d’autant plus mouche que tout est au service du verbe hugolien : « …cette forme d’isolement : l’applaudissement », « en haut le monde qui marche, en bas le monde sur qui on marche », « le chien a sa sueur sur la langue et son sourire dans la queue », « l’avare est un aveugle : il voit l’or et ne voit pas la richesse », « la femme nue, c’est la femme armée »… Au passage, on est étonné, mais devrait-on l’être, par la liberté de Hugo qui le rapproche parfois des surréalistes ou de la littérature érotique. On regrette simplement une ou deux longueurs, mais n’est-on pas là-aussi dans une sorte de fidélité à ce stakhanoviste du verbe que fut ce génie aussi changeant que passionné.

D’autre part, dans un style qui emprunte autant au cabaret, au cirque et au mime, on a au Lucernaire l’adaptation des Misérables. Cette pièce est simplement une œuvre de salubrité publique au service de tous ceux qui sont rebutés par le volume de l’œuvre. Il ne se passe pas une minute sans que le public rie. Les choix des comédiens, car il s’agit d’une adaptation collective, sont aussi arbitraire qu’assumés. Ils ont le grand mérite de montrer, eux aussi, combien Victor Hugo était visionnaire, et combien Les Misérables est un patchwork dans lequel il était capable de glisser, en complément de la trame du récit, ses méditations sur le mot de Cambronne à Waterloo ou la liberté, par exemple. Pour le reste, on est confondu de constater combien, ce qui n’apparaît pas à la lecture, Victor Hugo est devenu un auteur comique. Misérables est sans conteste une pièce qui marque, autant qu’elle sert la cause hugolienne en la rendant plus actuelle que jamais.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] L’homme qui rit, adaptation de François Bourgeat, mis en scène par et avec Laurent Schuh. Au théâtre Daniel Sorano, 16, rue Charles Pathé, Vincennes, M° : Bérault, château de Vincennes, RER Vincennes. Du mercredi au samedi à 20 h 45, dimanche à 16 heures, jusqu’au 20 décembre. Tél. : 01 43 74 73 74. Misérables, d’après V. Hugo. Avec A. Priol, E. Barrouyer, P. Person. Du mardi au samedi à 20 heures, au théâtre du Lucernaire, 53, rue Notre-Dame des champs, 75006 Paris. Tél. : 01 45 44 57 34.


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette