Théâtre : Tchekhov en plein air

Il faut imaginer un jardin non pas ouvrier mais collectif où toute l’équipe travaille à l’amélioration du dahlia. En plein milieu de La Courneuve et presque à l’ombre des tours. Dans des remises, une vieille Citroën DS, mais surtout des tables et des femmes, bonnes vivantes, qui vendent de quoi se restaurer – flan, fromage, gâteau au chocolat, salade de tomates... – avant. Avant quoi ? Les représentations de « La Demande en mariage », « L’ours » et « Les méfaits du tabac » [1].
Qui ont lieu au fond du jardin, comme de juste, sur une scène où tout est en tissu – du rideau de scène aux décors – si on excepte le plateau et la structure pour les accrocher.

Bien sûr, il faut surjouer un peu, surtout quand le vent emporte la voix avec les voilages. Mais on retrouve là le une forme originelle de théâtre, aux artifices absents ou immédiatement compréhensibles par tout un chacun, même et surtout ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans une salle.
Et il y a quelque chose de réjouissant à voir des adolescentes, même si elles se méprennent sur certaines répliques, se frotter à un auteur classique comme Tchekhov. Elles ne saisissent pas tout, et alors ? Leur culture est ainsi diversifiée, paradoxalement plus que celle des personnes qui sont des accrocs du répertoire mais n’ont jamais entendu une strophe de slam.

Lors de cette représentation, c’était « L’Ours » qui était la pièce la mieux réussie : chaque comédien était alors immédiatement identifiable dans toutes les facettes de son caractère, dès la première seconde.
Et si la simplicité des moyens est un argument fort permettant de retrouver l’essence de tout art, y compris en art dramatique, il n’empêche qu’on regrette pour ces artistes que leur initiative touche si peu de public. On est en plein dans le théâtre qui va au-devant du public et se met à sa portée tout en restant de qualité. Mais on voit bien que ce ne sont pas les trois malheureuses affiches de l’entrée qui vont faire venir les foules. Et quand bien même elles viendraient, la petite prairie qui devenait théâtre d’un jour affichait complet...

« Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark », dit Hamlet. Et il n’y a pas que les acrobates qui marchent sur la tête au royaume de la culture pour tous...
Mais foin de discussion : la dernière représentation est le 25 juin à l’école Joséphine Baker à 21 h 30. Courez, c’est une expérience à vivre !

Pierre FRANCOIS