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Théâtre : Sur le chemin d’Antigone

vendredi 25 novembre 2011, par Pierre François


« Sur le chemin d’Antigone » [1] se présente comme une adaptation du mythe et de l’« Antigone » d’Anouilh. Car la dimension religieuse de la version de Sophocle est ici gommée au profit de celle, politique, de la pièce qui fut créée le 4 février 1944 au théâtre de l’Atelier, presqu’au moment des « affiches rouges » [2]. Cela est tellement vrai qu’une bande son sur le thème de la Résistance est récitée en boucle pendant toute la durée d’installation du public.

Pour le reste, cette pièce est un véritable Ovni, ni pièce au sens traditionnel, ni spectacle de marionnettes ni mime et néanmoins tout cela à la fois. Il faut imaginer une comédienne clown qui récite tous les rôles en changeant de voix, danse le tango avec un manteau vide, joue un dialogue entre Créon et Antigone réellement époustouflant...

À chaque fois on croit autant à son rôle qu’à celui de son protagoniste, fût-il imaginaire !

Sur le fond, cette pièce dégage une force remarquable. Le message de résistance est à la fois transparent et rendu parfaitement digeste grâce au talent avec lequel il est délivré ! En effet, on remarque, par exemple, l’annonce : « on ne résiste pas de la même manière aux intempéries, au fascisme ou à la goumandise » ou, plus tard, une allusion qu’on ne peut pas ne pas voir à Charlot et au « Dictateur ». En même temps, on reste subjugué du début à la fin du spectacle par les trouvailles de jeu et de mise en scène, on passe de surprise en surprise, toujours agréable. Même les accessoires ont leur rôle dans ce jeu, et l’aspirateur traineau monté sur ski n’en est qu’un exemple !

Certes Antigone est celle qui trouve important de désobéir et Créon un dictateur peureux, mais tous deux ont en commun de faire rire. Les autres personnages jouent plus des rôles de faire-valoir qu’ils ne possèdent de personnalités propres.

En fait, il n’y a aucune raison de s’étonner de cette réussite : ce spectacle est l’oeuvre de la troupe qui créa le fameux Cartoun Sardines Théâtre avant de fonder, en 2007, l’Agence de voyages imaginaires. Ce qui explique la création en mai dernier à la scène nationale d’Alès et le fait qu’une tournée soit déjà en cours et la programmation au théâtre des Bernardines de Marseille.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Sur le chemin d’Antigone », d’après le mythe d’Antigone et Jean Anouilh. Adaptation et écriture de Valérie Bournet et Philippe Car. Mise en scène de Philippe Car. Avec Valérie Bournet, Lucie Botiveau, Hadrien Trigance.
Le 25 novembre au Sémaphore de Port de Bouc (13), les 6 et 7 décembre au théâtre de Cusset (03), le 9 au théâtre Silvia-Montfort d’Yzeure (03), le 13 au Tobbogan de Décines (69), le 9 février au théâtre de Privas (07), du premier au 3 mars au théâtre du Vellein à Villefontaine (69), du 28 au 30 à l’Espace Diamant d’Ajaccio (20), les 6 et 7 avril au théâtre de Grasse (06), du 10 avril au 6 mai au théâtre des Bernardines de Marseille (13).

[2] Jean Anouilh dit s’être inspiré de cet épisode des affiches placardées dans toute la France au moment de la condamnation à mort de résistants du groupe Manouchian affilié au réseau Francs Tireurs et Partisans-Main d’Oeuvre Immigrée. Le texte de cette affiche, qui aurait été éditée par le Centre d’études antibolcheviques, était : « Des libérateurs ? La Libération ! Par l’armée du crime ». Cela pose un problème de chronologie dans la mesure où elle est placardée au plus tôt entre le 10 et le 15 février 1944 et où la première a eu lieu le 4 février. Quoi qu’il en soit, pour Anouilh, Antigone incarne la Résistance qui se rebelle contre la fatalité et Créon Pétain, qui revendique de devoir faire le « sale boulot ».


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