Théâtre : Soda, Soyons Oublieux des Désirs d’Autrui

« SODA », Soyons Oublieux des Désirs d’Autrui [1], est le genre d’expérience qu’il faut avoir fait au moins une fois dans sa vie. Comédie agrémentée de musique sans être comédie musicale – plutôt fantastique – cette pièce se divise en trois parties séparées par deux entractes de trois quart d’heure, chaque partie comptant trois épisodes de trois quart d’heure chacuns entrecoupés de pauses de quinze minutes. Total : cinq heures de spectacle, portées à presque huit heures en comptant les interruptions, dont les repas.

Première surprise : le rythme est bon. Trois quart d’heure, c’est le temps d’un épisode de « soap », ce que précisément pastiche cette pièce, et une brève pause suffit (avec ou sans café...) à recharger les batteries (les écoliers allemands en savent d’ailleurs quelque chose, c’est leur rythme tout au long de l’année).

Seconde bonne nouvelle : le spectacle est bon. Au-delà de la performance, il y a un texte qui sait autant utiliser le registre oral (« T’es qu’une déception sur pattes ») que soutenu (utilisation du verbe gésir à l’infinitif, par ex.), et flirte parfois avec la poésie (« Regarde le ciel, ce n’est plus qu’une lourde pierre qui suinte »). L’humour est toujours présent, que ce soit dans ce dernier (« c’est l’hôpital, il s’en fout de la charité ») ou à travers le jeu.

Enfin, si le récit vire de plus en plus dans le fantastique, avec une ogresse qui appartient autant au monde des vivants que des morts, il ne bascule jamais dans l’absurde et, au contraire, pose régulièrement une question fondamentale, en passant.

Pierre FRANÇOIS