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Theâtre : Ruy Blas, classique et nouveau

vendredi 16 février 2007, par Pierre François


Les pièces des auteurs anciens ont trop souvent le choix entre des mises en scène trop sages ou traîtresses. Le Ruy Blas de William Mesguich échappe à ces deux travers, et est traversé par un jaillissement vital incœrcible.

Tout le monde connaît – ou croit connaître – Ruy Blas [1], ne serait-ce que par son adaptation à l’écran avec La folie des grandeurs et le célèbre strip-tease d’Alice Sapritch. Et pourtant, voir le Ruy Blas monté par William Mesguich est une réelle découverte.

Constamment surpris par une mise en scène originale, qui se permet tout mais pas n’importe quoi, le public est étonné à chaque minute par la façon dont la pièce est interprétée ; et, dans la seconde qui suit son étonnement, se dit : mais oui, c’est logique, le personnage aurait pu réagir comme cela.

Qualifier cette mise en scène est difficile tant elle puise dans des genres différents. Peut être pourrait-on la décrire comme fantastique quant au fond, invitant des éléments aussi disparates que les genres policiers ou baroques quant à la forme.

Il est à noter que la diction ne pâtit nullement de ce festival de fantaisies. Au contraire, le texte est mis en valeur d’une façon tout à fait remarquable. Inséré dans un jeu qui l’actualise tout autant que les tourments de Don Salluste ou de son valet, il prend par moment une valeur prophétique tant certaines formules auraient pu être écrites hier. Que répondre, surtout en période électorale, à ce : la popularité, c’est la gloire en gros sous, surtout après qu’Anatole France eût enfoncé le clou avec son décret : il n’y a pas de gouvernement populaire. Gouverner, c’est mécontenter ?

S’il est vrai que les trois premières minutes de la pièce laissent planer une inquiétude sur le type d’interprétation, tant elle est alors théâtralisée, on est rassuré dès la fin de cette mise en place. On croit dès lors à ces personnages, aux enjeux qui les animent et à la situation, alors même qu’un examen froid et objectif du récit fait comprendre sans hésitation combien l’auteur fait évoluer ses héros dans un canevas artificiel. Car, même si la farce n’est jamais très loin, les caractères des protagonistes sont aussi contrastés qu’en nuance : si Don Salluste est une montagne de haine, il est aussi un homme blessé, qui se prend parfois à douter. Si son laquais a à la fois les qualités d’un homme d’Etat et la lâcheté d’un amoureux, ces deux sentiments sont reliés par une conscience qui agit du moins mal qu’elle peut, à défaut de vivre idéalement. Et si le vrai Don César est un brigand sans remord, il a un code de l’honneur qui lui interdit de s’attaquer à une femme. Parce que ces rôles sont traversés par les contradictions qui signent notre appartenance à l’humanité, ils sont d’autant plus crédibles alors que l’histoire est invraisemblable. William Mesguich a d’ailleurs contribué à adoucir le côté mélodramatique propre au romantisme dans la dernière scène, lorsque la reine voit et son adversaire et son allié partir dans la mort. Comme dans tout le reste de la pièce, il a l’habileté rester à mi-chemin et de ne pas faire de la mort de Ruy Blas un événement totalement symbolique. Ainsi ne trahit-il l’auteur que pour les fondamentalistes qui auraient voulu que la moindre didascalie de Victor Hugo soit respectée.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] Ruy Blas, de Victor Hugo. Avec Marie Mengès, Aure Biren, Charlotte Popon, Mathieu Cruciani, Florent Ferrier, William Mesguich, Chris Egloff, Benjamin Tholozan, Laurent Prévot ou Boris Le Roy. Metteur en scène : William Mesguich. Du mercredi au samedi à 21 heures, dimanche à 15 heures jusqu’au 10 mars au théâtre Mouffetard, 73, rue Mouffetard, Paris-5e, M° : Censier Daubenton. Places à 22 €, TR à 15 €. Tél. : 01 43 31 11 99, www.theatremouffetard.com


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