Théâtre : "Récits de femmes", de Dario Fo ou de sa femme ?

« Récits de femmes » [1] a-t-il été écrit par Dario Fo ou par Franca Rame (son épouse) ? À entendre ces comédiennes raconter des histoires d’un point de vue qui ne peut être que féminin, on comprend que la mention d’auteur : « Dario Fo (avec Franca Rame) » mérite sans doute d’être inversée... Ce qui, au passage, justifie que l’on continue à donner ces « récits », qui sont autant de protestations féministes.

Ces « récits » sont en fait trois courtes pièces mises à la suite, et montées comme des suites de sketches.

Le premier, « Nous avons toutes la même histoire », raconte comment la femme reste seule face à la gaucherie de l’homme qui est sur elle, au risque de grossesse, à la panique de l’homme qui se retrouve père, à l’accouchement.

Le second, « Une femme seule », met en scène une femme transformée en esclave, y compris sexuelle, par son mari et son beau-frère. Enfermée dans son appartement, vissée devant sa table à repasser, elle n’a de contact avec le monde extérieur que grâce à la radio, la télévision ou sa fenêtre. C’est ce qu’elle explique à sa nouvelle voisine, qui va peu à peu lui ouvrir les yeux.

Le dernier, « Couple ouvert à deux battants », reprend le thème connu du mari qui trompe sa femme en lui expliquant qu’avec elle la relation est différente qu’avec ses passades jusqu’au jour où, convaincue par son argumentation, sa femme, elle aussi, commence à trouver l’herbe plus verte en dehors du mariage...

Quand on sait que le style de Dario Fo consiste à mettre des personnages ressemblant à ceux de Tati ou de Chaplin dans un contexte de Commedia dell’arte et de vaudeville à la sauce burlesque, on imagine sans peine ce que cela donne ! Chaque phrase tape dans le mille, et par son contenu et par sa tournure. On est face à un féminisme aussi militant qu’hilarant, et cela est réjouissant à un point qu’on ne soupçonne pas.

Dans ce contexte, il est inutile de chercher à dire si l’un ou l’autre des comédiens est plus efficace que les deux autres dans cette mécanique du rire : l’équipe est parfaitement homogène dans sa capacité à jouer. Ainsi, l’imagination du public complète instinctivement la mise en scène qui lui est soumise, pour complètement croire à la véracité des situations loufoques qui lui sont présentées, seconde après seconde.

Pierre FRANCOIS