Théâtre : Proudhon modèle... Courbet

« Proudhon modèle... Courbet » [1] fait partie de ces pièces qui savent mêler enseignement et théâtre. Proudhon et Courbet se connaissaient, le premier estimant le second pour des raisons plus idéologiques – l’option vers une peinture « réaliste » – qu’artistiques. Il y a même un texte aussi intéressant qu’assassin de Zola sur le thème de l’impossibilité pour la philosophie ou la politique à féconder l’art, qui part de cette relation en essayant d’épargner Courbet [2].

La pièce elle même subit cette double tension, celle de la logique d’un raisonnement à travers quelques tirades plus intellectuelles que vivantes et celle de la vie à travers un rythme qui donne un vrai souffle au spectacle. Auteur et comédiens ont su circonvenir l’écueil du discours théorique en introduisant des thèmes qui font mouche – comme la misogynie primaire des deux hommes face à l’intelligence du modèle qui, elle, sait passer sans transition de la sensualité à l’intelligence – à côté de ceux touchant à l’Histoire des idées politiques.

Proudhon en puritain aussi plein de retenue que de passion, Courbet en jouisseur vaniteux, ce couple fonctionne bien du fait de son antagonisme de caractère tempéré par un accord sur le fond. Mais c’est l’opposition entre des hommes qui ne sont pas montrés sous leur meilleur jour et cette disciple d’Olympe de Gouges pleine de vie qui donne toute sa saveur à cette pièce.

Pierre FRANCOIS