mercredi 17 décembre 2008, par Pierre François
Bertille ou la cerise sur le gâteau commence par le jet à la figure du public d’une poitrine féminine hypertrophiée et se clôt par la représentations sur le bas-ventre de la même comédienne d’une cerise géante [1]. Entre les deux, pas de rythme à part la répétition servile des mêmes attitudes (une main derrière la tête et un bras tendu) au moment de l’annonce des (huit) « plats » (en fait, autant de tableaux) et une litanie de citations culinaires. Côté public, une fois passé le choc du début, ce qui met un temps fou à se faire compte tenu de l’absence d’effet aussi fort par la suite, on lutte contre le sommeil.
Cette pièce pose quelques questions.
La comédienne, qui certes est ronde (ce dont on se moquerait totalement si elle ne confondait pas attributs dus à la nature et talent, cf. par exemple Juliette, Bedos, etc), joue-t-elle encore un rôle quand on l’entend expliquer qu’elle est ronde et qu’il faut la prendre comme elle est ou bien prend-elle le public comme psy, ce qui n’est jamais son rôle ?
Où est la limite entre l’art et la pornographie, même si en l’occurrence il faut raisonner intellectuellement et non visuellement ? Que penserait-on d’un comédien bien membré qui arriverait sur scène en string après avoir pris soin de faire ressortir ses attributs ?
Il reste une certitude, et qui rend ce spectacle impardonnable.
En se transformant, consciemment ou non, la question n’est pas là, en phénomène de foire, cette comédienne à la poitrine hors norme (et l’utilisation du mot idiot de « norme » est bien pesée) et son metteur en scène trahissent complètement le combat de toutes les personnes qui d’une façon ou d’une autre doivent maîtriser ou combattre une caractéristique corporelle a-« normale » et sans cesse prouver qu’elles sont capable de faire aussi bien que les personnes « normales ». Il ne faut jamais oublier que les gens « normaux » sont, sauf exception, des gens qui aiment les idées simples (par exemple un handicapé = un fauteuil roulant [2]), pratiquent l’exclusion et ne se rendent jamais compte que la personne a-normale doit avoir un caractère bien plus trempé que le leur pour faire la même chose qu’eux dans la mesure où les risques encourus sont supérieurs pour la personne qui est affecté d’une gêne, quelle qu’elle soit.
Ce spectacle fera certes, sous couvert de culture, du bien aux petits vieux que leur femme ne fait plus rêver depuis longtemps tout en les tenant en laisse, mais est-ce là l’utilité sociale d’un spectacle théâtral ? Pour le reste, il fait le jeu des voyeurs qui ont une relation de séduction-répulsion avec toute caractéristique extrême : on est au cirque !
Pierre FRANCOIS
[1] Bertille ou la cerise sur le gâteau , une comédie gastronomique. Avec Céline Larrigaldie. Mise en scène : Frantz Herman. Du jeudi au samedi à 19 heures, dimanche à 15 heures jusqu’au 11 janvier à La Folie Théâtre, 6, rue de la Folie-Méricourt, 75011 Paris, M° St Ambroise, Tél. : 01 43 55 14 80.
[2] Alors que, selon la loi du 11 février 2005, le handicap constitue « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».