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Theâtre : Oncle Vania alias Tonton Marcel Maréchal

mercredi 27 janvier 2010, par Pierre François


Certains confrères ont dit ou écrit que l’Oncle Vania, mis en scène et joué par Marcel Maréchal était un événement théâtral tandis que le critique du « Canard enchaîné » sous-titrait son article « Tonton Marcel ». Ils ont tous raison. On savait déjà que Marcel Maréchal était une bête de scène, qui avait l’intelligence du public au point de réussir à faire du théâtre populaire à partir de textes d’exception. On sentait, à force de le voir régulièrement, qu’il était comme un membre de la famille aux visites trop rares et à la fréquentation si bénéfique.

On dira ce qu’on voudra sur l’ego du personnage, qui ne s’est sans doute pas réduit avec l’âge, mais qu’importe : on constate que ce comédien d’exception est capable, comme les vrais génies du théâtre (on pense ici à Laurent Terzieff qui a la même attitude sur le plateau), d’une générosité telle, avec ses partenaires, qu’il s’arrange pour ne pas leur voler la vedette.

En effet, dans « Oncle Vania » [1], chacun joue son personnage jusqu’au bout, avec une crédibilité exceptionnelle. On peut certes dire que l’on a préféré tel ou tel (l’illuminé avec ses fractures si visibles, la mère d’une rigidité qui rappelle quelque chose à tous les spectateurs mariés, la nièce désespérée mais simple, etc) mais on doit reconnaître que chacun des personnages est crédible dès qu’il arrive sur scène, sans faiblesse jusqu’à la fin de la pièce.

Si le décor est simplement évocateur, les costumes renforcent avec précision les caractères des personnages. Le jeu est léger : « tu étais jeune, tu étais beau, tu as bien vieilli » dit un des protagonistes à un autre avec un soupçon de taquinerie, et le public de rire, complice, alors que deux minutes ne se sont pas encore passées depuis le lever de rideau. On est autant pris par le jeu que par le texte, de sorte qu’on ne voit pas le temps (plus de deux heures) passer. Le rythme est parfaitement maîtrisé, jusque dans ses emballements et ralentissements.

Certaines saillies sont intemporelles. Cela vaut-il la peine d’écrire « des choses que les gens éclairés savent déjà et qui n’intéressent pas les imbéciles » ? « Oui, j’étais un être de lumière, mais je n’éclairais personne » est-il confessé un peu plus tard. La pièce est construite comme un ensemble de conversations multiples qui sont autant de rebondissements du malaise originel : le débarquement du beau-frère intellectuel raté dans un domaine agricole aux impératifs bien concrets. Du côté des femmes, on, identifie quatre types : l’adoratrice de son fils, la passionnée d’elle-même, celle d’autrui et la matriochka. Du côté des hommes, la brochette n’est pas moins savoureuse, entre l’oncle blasé qui essaye de prendre ses distances avec le monde, le médecin séduisant qui ne s’aperçoit pas qu’il est aimé tant il se consume en vain pour une autre, le brave homme de service qui aurait pu inventer le fil à couper le beurre mais s’en est abstenu par mysticisme de prisunic, l’intellectuel vaniteux prisonnier de sa bulle...

Pour autant, chaque personnage présente de multiples nuances et facettes autour d’une faillite commune. Car tous ont eu des rêves qui se sont brisés, tous essaient de compenser ou d’y croire encore, aucun ne trouve de quoi arrêter le mal personnel qui le ronge. Mais rien de tout cela n’est triste, car plus la vie est tragique, plus elle prend des accents de vaudeville. N’y aurait-il pas là une leçon d’humour pour les grincheux d’aujourd’hui qui proclament, chacun à sa façon : no future ?

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] « Oncle Vania », d’Anton Tchékhov, trad. Arthur Adamov. Mise en scène Marcel Maréchal et Michel Demiautte. Avec Michel Demiautte, Liana Fulga, Juliette Duval, Hélène Roussel, Marcel Maréchal, Emmanuel Dechartre, Jacques Angéniol, Olga Albrego, Antony Cochin. EN TOURNEE DANS TOUTE LA FRANCE


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