Théâtre : On est tous portés sur la question

« On est tous portés sur la question » [1] : le titre de la pièce donne le ton et ne fait pas augurer d’un spectacle trop fatiguant pour les neurones. Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il s’agit d’un exercice de style. Quatre auteurs comiques à succès [2] ont eu pour mission d’écrire une pièce de quinze minutes et pour quatre personnages devant citer le titre et thème de travail : « on est tous portés sur la question ».

Si les deux premières sont relativement fines et s’enchainent bien – au point qu’on peut croire que la seconde est la suite de la première – les suivantes font appel à la grosse cavalerie (« Première fois » avec des dialogues en tandem entre l’homme et la femme ainsi que leurs organes respectifs ; « Musicalix » qui est le tournage d’un film pornographique façon comédie musicale).

On doit reconnaitre que jamais le comique n’est réellement vulgaire, même s’il est de cour de récréation, et que bien des spectatrices gloussent d’aise en entendant les propos qui sont tenus, avec cette espèce de fausse pudeur et de jouissance à se croire choquée, qui est l’apanage de certaines femmes.

De fait, la première pièce est toute en délicatesse derrière ce couple qui va – séparément – consulter un coach pour relancer le couple, le consultant-homme poussant le mari à des propos obscènes et la consultante-femme indiquant à l’épouse comment refaire la décoration de l’appartement. Résultat : le couple se retrouve aussi coincé, peut-être, qu’avant, mais toujours aussi amoureux et réussissant à se le dire avec ses codes propres. La seconde pièce part sur le thème du lapsus. Un coupe fait visiter son appartement à vendre et la femme, particulièrement coincée (pourquoi sont-ce toujours les femmes qui sont taxées d’êtres frigides ou sans initiative ?) va se mettre à dire lapsus sur lape-suce au point que c’est le couple de visiteurs, apparemment assez libre, qui va partir effrayé. Même si certains lapsus sont loin d’être fins (« j’adore avoir de la viande entre les pâtes », au sujet de lasagne, par exemple), il y a là une réussite dans l’écriture des dialogues : pratiquement tout le texte est à double sens.

Sur les pièces qui suivent, il n’y a pas grand chose à dire sauf que la caricature est heureusement si grossière qu’elle en évite la vulgarité, puisqu’il est impossible de réellement croire à ce qu’on voit ou entend. Mais le public rit aux larmes, et que demander de plus ?

Pierre FRANCOIS