Théâtre : Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran

« Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran » [1] est une œuvre connue d’Eric-Emmanuel Schmitt. La mise en scène qui en est faite par Anne Bourgeois, avec Francis Lalanne comme interprète, insiste sur les aspects humains et concrets du roman. Le texte est très descriptif, et c’est à travers ses descriptions qu’une ambiance se construit. Il comporte en outre la fine dose de dérision qui donne régulièrement une saveur comique au récit. On se laisse d’autant mieux capter par les aventures du jeune Momo en train de devenir adulte que Francis Lalanne prend souvent le public à témoin. La dimension de leçon de vie – c’est-à-dire quand la philosophie s’invite dans le quotidien des personnages – est très bien rendue. L’utilisation alternée des propos précipités ou des silences donne une valeur particulière à ces derniers. Certes, l’interprète pourrait un peu moins se déplacer, mais il incarne pas moins de trois personnages principaux (Momo, son père et monsieur Ibrahim), sans compter les secondaires, au nombre desquels on remarque l’interprétation très juste de sa mère. Certaines réparties sonnent comme des vérités psychologiques universelles : « alors je me suis mis à voler mon père pour le punir de m’ [en] avoir soupçonné », « le sourire n’est pas quelque chose de réservé aux gens heureux, c’est le sourire qui rend heureux »...

Le jeu est quasiment intimiste, construit qu’il est comme un ensemble de confidences faites au public. Certains moments sont particulièrement touchants : la décision de sourire, le dernier dialogue avec son père, la mort de monsieur Ibrahim... On se laisse prendre par une émotion qui n’a rien de superficielle mais qui, bien au contraire, nous fait toucher plusieurs aspects essentiels de l’âme.

Pierre FRANCOIS