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Théâtre : Mémoire vivante

vendredi 9 mai 2008, par Pierre François


Le souvenir est une chose, le transmettre une autre. L’art est un vecteur qui permet à une pensée déjà spiritualiste de se manifester, et surtout d’éviter à la fois une présentation inanimée à force d’objectivité et celle qui ne recourrait qu’à un sentimentalisme superficiel.

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23 septembre 1943 : dans le camp d’extermination de Terezin (ex-Tchécoslovaquie) est créé par des enfants un opéra : « Brundibar ». Il s’agit de donner le change aux visiteurs de la Croix-Rouge venus inspecter les lieux. L’œuvre sera joué 55 fois, la dernière juste avant que ses interprètes ne soient gazés. Son créateur, Hans Krasa, subit le même sort à Auschwitz. On oublie la partition de cet opéra jusqu’en 1997, date à laquelle pour la première fois elle est créée dans une adaptation française, par la Compagnie Louise-Lame.

Depuis cinq ans le théâtre et le collège Léon Blum, de Villepreux (78), créent conjointement des opéras joués par les enfants de la sixième à la troisième à l’initiative de leur professeur de chorale. Le fondement de toute la démarche est le volontariat. Aucun élève n’est obligé de s’inscrire à l’activité de chorale, ni de jouer en plus dans l’atelier opéra ; aucun n’est refoulé non plus, quelle que soit sa voix.

Le choix des œuvres est éclectique : il va d’« Orphée aux enfers » d’Offenbach aux « Indes galantes » de J.-P. Rameau en passant par le « Jazz’n Faust » du contemporain P.-G. Verny. Le choix est toujours dicté par les capacités vocales d’enfants de leur âge, c’est clairement le critère qui a conduit à choisir ce Faust-là plutôt qu’un autre. Parfois, l’organisation matérielle de ces spectacles donne des sueurs froides à ses concepteurs, maître de chant ou metteur en scène. C’est ainsi que le projet de « Brundibar » n’a été validé par les ministères concernés qu’en novembre 2007 : il était plus que temps de se mettre au travail.

Que pensent les comédiens amateurs du fait de succéder à des enfants de leur âge qui furent exterminés ? On est fier, dit l’un d’eux, parce que c’est en leur mémoire qu’on chante. Une fille ajoute : ça donne envie de bien faire pour leur montrer qu’ils ne sont pas oubliés. Un troisième précise que c’est pour lui une façon de rendre hommage. Enfin, une dernière explique qu’elle a l’impression que les enfants de Terezin les ont accompagnés toute l’année. Impression confirmée par la maîtresse de chant qui a d’ailleurs fait insérer ce sentiment dans la mise en scène : dans un prologue les enfants sont scindés en deux groupes, un pour chaque époque, et ceux de 1943 invitent ceux d’aujourd’hui à les suivre le temps de la représentation. À entendre et voir la répétition, la partie chantée est déjà bien au point, il ne reste plus que les déplacements et leur synchronisation avec la musique à régler.

On est frappé de voir combien, comme deux sentiments qui se répondraient, les élèves font confiance à leur professeur et ces derniers leur mettent au point un programme soigné. En effet, la préparation de Brundibar n’a pas été que musicale : une visite à une exposition sur Anne Franck a été organisée, des mises en espace de son journal ont été données à Léon Blum et dans les collèges du voisinage. Enfin, une troisième pièce, Cherbourg Atlantique, est donnée par des professionnels pour célébrer le thème de la mémoire sous un autre jour, celui du retour des cendres de B. Bartok (qui à leur retour des Etats-Unis transitèrent par Cherbourg en juin 1988).

Enfin, l’Office national des anciens combattants de Versailles a été sollicité pour participer à l’élaboration d’une exposition de photographies, dans le prolongement des quelques représentations qui seront données : Cherbourg Atlantique le 17 mai [1], Brundibar le 18 [2] et Moi, Anne… [3] le 21.

Àu-delà des débats idéologiques sur l’opportunité et la méthode pour ne pas oublier, une initiative comme celle-ci montre combien des actions sont déjà entreprises, qui savent faire mémoire sans faire macabre.

Pierre FRANCOIS

Notes

[1] Cherbourg Atlantique : 17 mai à 20 h 30 au théâtre de Villepreux, Place du théâtre, 78450 Villepreux, entrée de 10 à 16 €, tél. 01 30 80 15 95.

[2] Brundibar : 18 mai à 16 heures et 19 heures au même endroit, entrée de 6 à 10 €.

[3] Moi, Anne… : 21 mai à 20 h 30, Maison Saint-Vincent, 1, rue Pierre Curie, 78 450 Villepreux, entrée libre sur réservation au 01 30 80 15 95 (jauge limitée). Passeport pour Cherbourg Atlantique et Brundibar à 12, 15 et 20 €.


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